Le poilu Frédéric B. a cessé de tweeter
Durant quatre ans, des élèves ont redonné vie au récit d’un poilu lyonnais
Samedi, cent ans après jour pour jour, Frédéric B. est à nouveau tombé au front, lors de l’offensive allemande sur Reims. Des instants de sa vie au front étaient retranscrits sur Twitter, depuis quatre ans, permettant de suivre le quotidien de ce poilu de la Première Guerre mondiale. Une vingtaine de lycéens de Fonsorbes, à l’ouest de Toulouse, ont extrait de ses carnets de quoi écrire 1 700 tweets et 95 articles. Ils ont ainsi fait revivre la mémoire du soldat, engagé en 1914, à 20 ans à peine. Des textes qu’ils ont découverts au fur et à mesure. Leur ensei- gnant, Yann Bouvier, préférait garder le suspense. Jusqu’à récemment, lorsqu’il s’est présenté lors de l’atelier préparatoire sans document à la main.
Là, les élèves ont compris qu’ils s’approchaient de la fin tragique de leur héros, des dernières salves de tweets agrémentés de photos d’époques et d’illustrations. « Ils s’y attendaient mais en même temps espéraient. L’histoire s’impose à nous, c’est ce qui est réellement arrivé. Si on l’avait inventé, cela aurait peutêtre été différent », remarque leur professeur d’Histoire, à l’origine de ce projet lancé dans le cadre d’un atelier pédagogique autour du centenaire de la Grande Guerre.
« Dès le début du conflit, il fait preuve de clairvoyance sur cette guerre »
Yann Bouvier, enseignant
Passeurs de mémoire
Comme ses élèves, il s’est attaché à son sujet d’étude, à force de partager ses états d’âme, ses doutes ou encore ses espoirs de quitter un jour le front. « Ce qui m’a beaucoup tou- ché, c’est que dès le début du conflit, il fait preuve de clairvoyance. Cette guerre n’a pas de sens, de raison d’être. Il fustige d’ailleurs pas mal les dirigeants, notamment les derniers mois », relate Yann Bouvier. A travers ce projet, l’enseignant a pu expérimenter avec ses élèves le temps long, ne pas résumer quatre années de guerre en trois ou quatre heures de cours. « Ça m’a permis d’avoir une conscience plus aiguë de la temporalité, du temps passé au front, des batailles effroyables mais assez épisodiques, de l’attente, de la vie à l’arrière », insiste-t-il. Et de devenir ainsi un passeur de mémoire. Ce mercredi, le nom de Frédéric B. sera dévoilé, pour que ce simple soldat ne reste pas un héros anonyme.