La blockchain, verrou imparfait de l’identité numérique
Des chercheurs travaillent à un système qui permettrait à chacun de prendre le contrôle de son identité numérique
Le Web est cassé. Quand nos données ne sont pas collectées pour nous bombarder d’annonces ciblées (Facebook et Google), elles sont vendues sous la table au plus offrant (Cambridge Analytica) ou piratées par des hackers (Yahoo, Equifax). A l’occasion du festival Futur.e.s, jusqu’à samedi à Paris*, qui consacre une large partie de son programme aux données numériques, 20 Minutes s’interroge sur les moyens de reprendre le contrôle de nos datas.
Alors qu’on va tout droit vers une « datapocalypse » , certains rêvent d’un système décentralisé dans lequel chaque utilisateur contrôlerait son identité numérique et serait propriétaire de ses données personnelles. Utopique ? Pas complètement, assure Alex Simons, directeur de la division Identité de Microsoft, qui travaille sur une solution open source établie sur la blockchain, ce registre décentralisé extrêmement difficile à falsifier. Dans le cas du bitcoin, la technologie sert à enregistrer des transactions financières en mettant à jour le solde de chaque membre. Pour l’identité, résume Alex Simons, il s’agit « de gérer et de protéger un identifiant unique » qui pourrait permettre de s’authentifier pour réaliser des achats, souscrire un prêt, postuler un emploi, recevoir des soins ou même voter en ligne. C’est simple sur le papier, mais en pratique, extrêmement compliqué, surtout à l’échelle d’un pays entier. Un système d’identité numérique pourrait signer l’arrêt de mort des 50 mots de passe que nous tentons de mémoriser tant bien que mal. Surtout, « chaque personne pourrait choisir de partager ses données au cas par cas », précise Simons. Besoin de prouver son âge pour s’inscrire sur Facebook ? Au lieu de fournir sa date de naissance à l’entreprise, un simple certificat stipulant qu’on a plus de 13 ans suffit. Un internaute pourrait même monétiser ses données directement auprès des annonceurs. Ce changement de paradigme viendrait alors directement menacer le « business model » de Google et Facebook.
Mais on en est loin. Chercheur à Berkeley, Nicholas Weaver souligne que, à l’heure actuelle, « les blockchains ont un énorme problème d’efficacité à grande échelle ». Les transactions en bitcoins sont par exemple très lentes, de l’ordre de sept par seconde. Alex Simons reconnaît ce problème de « scaling » mais souligne que Microsoft expérimente au niveau de la couche de transport pour rendre le système plus efficace. Professeur au Massachusetts Institute of Technology, Christian Catalini partage son enthousiasme. Selon lui, il n’y a pas de doute, « d’ici dix ou quinze ans, la blockchain sera une partie intégrante de notre identité numérique ».
« Chacun pourrait choisir de partager ses données au cas par cas. » Alex Simons, Microsoft
«Les blockchains ont un énorme problème d’efficacité à grande échelle. » Nicholas Weaver, chercheur
* Grande Halle de La Villette, Paris 19e.