Détourner pour tourmenter
Les objets connectés sont de plus en plus souvent piratés pour harceler les femmes, notamment en cas de divorce et de séparation
Des lumières qui s’allument toutes seules en pleine nuit, la musique qui se déclenche subitement ou encore le chauffage qui monte d’un coup à 37 °C… Les objets connectés sont de plus en plus souvent piratés et utilisés pour harceler les femmes, notamment en cas de divorce et de séparation, révèle une récente enquête du New York Times. Une nouvelle forme de harcèlement qui sévit aussi en France. « La Haute Autorité pour l’égalité entre les hommes et les femmes (HCE) a noté l’émergence de nouveaux moyens pour exercer un contrôle à l’intérieur du couple, surtout du téléphone portable et de ses applications, confirme à 20 Minutes Mounir Mahjoubi, le secrétaire d’Etat chargé du numérique. Dans les couples violents, souvent, l’homme exerce une emprise psychologique liée à la maîtrise des objets connectés de sa femme [en faussant leur fonctionnement, en récupérant ses mots de passe, etc.]. Il peut dès lors savoir où elle est, ce qu’elle fait, avec qui elle parle… C’est un vrai sujet sur lequel on travaille. » Selon Karen Sadlier, docteure en psychologie clinique, plusieurs de ses patientes, victimes de violences au sein du couple, évoquent « le sentiment d’être suivies par leur conjoint ou leur ex-conjoint, mais, surtout, d’être espionnées via les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). »
Former, créer un guide
Parmi les dispositifs existants, les plus utilisés en France sont le « keylogger » (qui permet d’identifier les mots de passe), le logiciel M. Spy, (un programme de surveillance et géolocali- sation) ou tout simplement les objets connectés enregistreurs, cachés dans des cadres photo, des détecteurs à incendie, des ampoules, etc.
« Nous disposons de très peu de données chiffrées en France, relève Claire Guiraud, la secrétaire générale du HCE. Mais les enquêtes réalisées à l’étranger, ainsi que les nombreux témoignages de professionnels, laissent présager de l’ampleur du phénomène ici. »
En Grande-Bretagne, par exemple, 85 % des femmes accueillies par l’association Women’s Aid ont subi des violences dans la vie réelle et dans la vie numérique. Et, « parmi elles, 29 % l’ont été via des logiciels de géolocalisation et de surveillance ». Pour Claire Guiraud, « la place des NTIC dans les violences faites aux femmes est encore trop peu identifiée par les professionnels. Il est urgent de renforcer leur formation en la matière et de les outiller d’un guide pratique spécifique sur le cybercontrôle. » Interpellés par plusieurs associations, les fabricants d’objets et de systèmes connectés reconnaissent qu’il n’existe pas de solution magique, mais préconisent de réinitialiser l’appareil ou de modifier le mot de passe sur son réseau Wi-Fi domestique.