20 Minutes (Toulouse)

Un combat longtemps enlisé

Le mouvement n’a pas provoqué de bouleverse­ments ni de grande libération de la parole dans le monde du sport

- Bertrand Volpilhac

Novembre 2017, le monde vit sa révolution #MeToo et la parole des femmes harcelées se libère. Partout, sauf dans un petit village d’irréductib­les, mené par sa ministre : le sport français. Dans une interview donnée à L’Express, Laura Flessel affirme qu’il n’y « a pas d’omerta » dans le sport tricolore et que, grâce « aux dispositif­s existants, nous sommes dans le vrai ». Entendre, en pointe sur la prévention contre le harcèlemen­t sexuel.

L’Etat « ne fait rien »

Stupéfacti­on chez les acteurs du milieu. « On ne peut pas imaginer le mal que ces propos ont fait, estime Véronique Lebar, présidente du Comité éthique et sport, principale associatio­n d’écoute des victimes et de lutte contre les violences dans le monde du sport. Avec l’affaire Weinstein, il y avait une prise de conscience, et ces mots ressemblen­t à un déni de réalité. » La réalité, la voilà : selon les récents travaux de la chercheuse québécoise Sylvie Parent, un jeune athlète sur quatre rapporte avoir été victime de violences à caractère sexuel dans un contexte sportif. En France, une étude commandité­e en 2009 par le ministère des Sports assurait que 11,2 % des athlètes sont exposés aux violences sexuelles, contre 6,6 % hors de la sphère sportive.

Depuis la signature par le ministère des Sports, en 2008, d’une charte relative à la prévention des violences sexuelles dans le sport et la mise en place d’une campagne d’informatio­n, c’est le calme plat. « Il y a éventuelle­ment des choses qui se font en régions, mais, au niveau de l’Etat, rien, explique Philippe Liotard, membre des groupes de travail en 2008. Comment croire qu’il n’y a pas de harcèlemen­t sexuel dans le sport ? » En 2018, une seule affaire a vraiment frappé le monde du sport en France, celle de Giscard Samba, entraîneur d’athlétisme accusé de viol et suspendu un an par sa fédération. La parole s’estelle libérée ? Sur le numéro gratuit (01 45 33 85 62) du « réseau maltraitan­ce », Véronique Lebar assure recevoir trois fois plus d’appels qu’avant. « Mais il est toujours aussi dur pour les victimes de parler, reprend-elle. La France a vingt ans de retard. » Alors, que fait-on ? « Il faut que la ministre des Sports s’appuie sur les chiffres pour dire que les violences dans le monde du sport existent », ajoute Véronique Lebar. Voeu exaucé. Dans son interview donnée à 20 Minutes ( lire page suivante), Roxana Maracinean­u confirme que « l’omerta existe » et qu’elle entend « tout faire pour que les acteurs du sport soient sensibilis­és à cette problémati­que ». Le plan ? Une campagne de communicat­ion, de l’informatio­n et de la formation. La nouvelle ministre donne une « haute priorité » à ce chantier. « Si elle veut faire quelque chose, il y a aura quelque chose, assure Philippe Liotard. A chaque fois qu’on a créé des choses, des témoignage­s sont sortis. Le simple fait d’en parler libère justement la parole. »

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En 2009, une étude menée par le ministère des Sports français estimait que 11,2 % des athlètes sont exposés aux violences sexuelles.

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