Le pari métis de Michel Ocelot
Avec « Dilili à Paris », le réalisateur des « Kirikou » met en scène une héroïne kanake dans la capitale française de la Belle Epoque
Avec Dilili à Paris, Michel Ocelot invente une déclinaison féminine du vaillant Kirikou, qu’il plonge dans les fastes de la Belle Epoque. « Au départ, Dilili devait être un garçon, raconte Michel Ocelot. Et puis j’ai pensé qu’il serait préférable d’en faire une petite fille, car la résistance à l’éducation des filles était très active à l’époque. »
Par manque de temps et de moyens pour dessiner Paris, Michel Ocelot a photographié tous les décors du film, effacé les voitures des rues de Paris ainsi que les affiches et le mobilier urbain, puis repeint le tout dans les couleurs de la Belle Epoque. Et le résultat est superbe. Trop beau pour être vrai ? Peut-être, mais cette exagération est à l’image de l’invraisemblable défilé de personnalités que rencontre la jeune héroïne métisse kanake dans le film : Claude Monet, Pablo Picasso, Sarah Bernhardt, Louis Pasteur, Marie Curie, Marcel Proust… Michel Ocelot se régale. Les plus érudits des parents feront de même. Mais les plus jeunes ? « Je ne suis pas un réalisateur de films pour enfants », martèle Michel Ocelot.
Un humour qui fait mouche
Au moins, les marmots qui ont reçu la même bonne éducation que Dilili apprécieront sa belle robe blanche, ses bonnes manières et son sens de la repartie. Quand un personnage demande à Dilili : « Toi y en a parler français ? », la petite fille a cette réponse opportune : « Apparemment mieux que vous, Monsieur ». Pour fustiger les clichés racistes et colonialistes, Michel Ocelot, qui a grandi en Afrique et acquis sa popularité avec le per- sonnage de Kirikou, fait preuve d’un humour qui fait mouche.
Très vite, le défilé féérico-exotique bascule dans une intrigue qui se noue autour d’un enlèvement de fillettes que Dilili, avec l’aide de ses nouveaux et illustres amis, n’aura de cesse de vouloir délivrer. Les méchants sont regroupés au sein d’une société secrète, les « Mâles-Maîtres », qui meublent leur intérieur avec des femmes mises à quatre pattes et recouvertes d’un voile noir pour servir de tables basses. « Je savais qu’on penserait aux musulmans, assure Michel Ocelot. Mais je ne vise pas une secte ou une religion en particulier. Des hommes qui piétinent les femmes, il y en a partout, hélas. Ce film est une parabole. » Il n’empêche que la charge n’est pas très fine. « Une femme meurt tous les trois jours des coups portés par son compagnon, rappelle le réalisateur, et des excisions sont toujours pratiquées sur des fillettes en France. » Cette actualité a incité Michel Ocelot à accepter la proposition de l’Unicef de faire de Dilili la messagère de l’organisation.