Jugé trop polluant, le cuivre écoeure des viticulteurs bio
Certains jugent ce pesticide d’origine naturelle trop polluant pour les sols
Le vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) Bernard Farges avait lancé une petite bombe le 15 octobre, en annonçant qu’il y aurait des « déconversions du bio en 2019 ». En cause : une année 2018 très compliquée pour les viticulteurs, entre les orages de grêle et les attaques de mildiou. Et qui faisait suite à une année 2017 déjà difficile en raison du gel. Les viticulteurs n’allaient donc « pas prendre le risque d’une troisième récolte déficitaire » en 2019, anticipait Bernard Farges. Basile Tesseron, à la tête du domaine Lafon-Rochet (grand cru classé 1855) à Saint-Estèphe, dans le Médoc, a effectivement choisi d’arrêter la viticulture bio, à laquelle il s’est converti il y a plusieurs années, sans pour autant en demander la certification. Une décision prise avant les difficultés de cette année, dès février. Pourquoi ? Parce que « la grande majorité des traitements bio se font à base de cuivre », un « produit miracle » contre le mildiou. Or, souligne Basile Tesseron, le cuivre « fait partie de la catégorie des métaux lourds, donc il ne s’évapore pas, au contraire, il s’accumule dans le sol. Pour moi, ce n’était plus une solution pérenne. » Par ailleurs, « il y a de fortes chances que l’Europe interdise ce produit, après avoir déjà décidé d’encadrer davantage son utilisation », anticipe le vigneron, qui estime que « les produits dits naturels ne sont pas systématiquement les meilleurs. » Le cuivre est ainsi sujet à discussions. « Des concentrations excédentaires ont des effets néfastes sur la croissance et le développement de la plupart des plantes, sur les communautés microbiennes et la faune des sols », notait en janvier l’Inra, dans une expertise scientifique pour « réduire l’usage du cuivre en protection des usages biologiques ».
Financer la recherche
L’homologation actuelle du cuivre arrive à son terme en janvier. Si la menace de l’interdiction pure et simple de ce produit semble écartée, son utilisation devrait être bientôt limitée. « Nous sommes dans l’hypocrisie la plus complète », s’agace pour sa part Bernard Farges, pour lequel « il n’y a pas de substitution possible au cuivre quand on est en bio. On va limiter sa quantité, alors qu’on sait pertinemment qu’il y a des zones, ou des années, où ça ne passera pas. » Basile Tesseron, lui, estime que, « à ce jour, il n’y a pas de solution satisfaisante pour traiter la vigne ». Il plaide donc pour que « les viticulteurs financent les recherches, menées entre autres par l’Institut des sciences de la vigne et du vin ou l’Inra », pour trouver d’autres produits.
« Le bio est un axe, mais il y en a beaucoup d’autres, résume, optimiste, Allan Sichel, président du CIVB. Dans les dix ans à venir, de nouvelles pistes vont s’ouvrir pour fortement réduire l’utilisation des pesticides. »