Le bioéthanol, un bon tuyau ?
Bon pour les finances, le bioéthanol l’est-il pour l’environnement ? Les avis divergent
Refroidis par les prix à la pompe, des automobilistes se laissent tenter par l’E85, plus économique. L’impact de ce carburant sur l’environnement fait toutefois débat.
D’un côté, il y a le sans-plomb 98, le sans-plomb 95 et le gazole, qui dépassent chacun 1,50 € le litre. De l’autre, il y a l’E85, un carburant qui contient entre 65 % et 85 % de bioéthanol, et qui est vendu 0,70 € le litre (prix relevé à Paris mardi soir sur le site prix-carburants.gouv.fr). Le calcul est vite fait : convertir sa voiture au bioéthanol est la promesse de belles économies. Le tuyau est d’ailleurs partagé ces derniers jours sur fond de grogne contre la hausse du prix des carburants (lire aussi p. 9).
A vrai dire, de nombreux automobilistes français ont déjà franchi le pas. En témoigne la hausse des ventes de kits éthanol. Ces boîtiers électroniques permettent à une voiture essence classique d’accéder au précieux carburant. « De quelques ventes par mois en 2011, nous sommes passés à 1 500 ventes aujourd’hui », glisse Alexis Landrieu, directeur général de Biomotors, l’un des fabricants. Quant au coût d’installation du boîtier, entre 700 et 1 400 €, il est vite rentabilisé, reprendil : « Chaque année, un Français roule en moyenne 15 000 km. Avec une voiture qui fait 8 litres au 100, il économisera 840 € par an. » Mais, a priori bon pour ses finances, le bioéthanol l’est-il vraiment pour l’environnement ?
« A la sortie du pot d’échappement, l’E85 permet déjà de réduire de 5 % les émissions de dioxyde de carbone, assure Nicolas Kurtsoglou, responsable carburant au SNPAA, le syndi- cat national des producteurs d’alcool agricole. Mais, sur l’ensemble de son cycle de production, la baisse est de 70 %. Une partie du CO dégagée lors 2 de la combustion de ce bioéthanol est compensée par le CO absorbé par 2 les cultures de betterave, de blé ou de maïs [biocarburants de première génération] qui sont utilisés pour produire ce carburant. »
Sa production ne concurrencerait pas les cultures alimentaires.
Laura Buffet, chargée de mission carburant à l’ONG Transport & Environnement, a une tout autre analyse. « Ces filières prennent rarement en compte les impacts indirects des biocarburants de première génération et qui plombent leur bilan carbone. » La question est surtout posée pour le biodiesel, biocarburant le plus utilisé en Europe. En France, il reste majoritairement produit à partir de colza produit sur place. « Mais la part du biocarburant importé, issu notamment d’huile de palme, augmente ces dernières années, reprend Laura Buffet. Elle pourrait croître avec le projet de la bioraffinerie de la Mède [Bouchesdu-Rhône] que prévoit d’ouvrir Total. » Le contexte est autre pour le bioéthanol. « Nous en consommons en France 8 millions d’hectolitres, indique Nicolas Kurtsoglou. Il est à plus de 90 % produit dans l’Hexagone, issu de cultures de betterave, de blé ou de maïs. Cette filière génère 9 000 emplois en milieu rural et n’utilise que 1 % de la surface agricole utile française. » A ses yeux, cette production de bioéthanol n’entre pas en compétition avec les cultures alimentaires et ne devrait pas en poser davantage si les installations de kit explosaient. Laura Buffet n’est pas aussi emballée. « Même si ce biocarburant est produit en France, moins de parcelles agricoles seront consacrées à l’alimentation. La demande alimentaire mondiale étant croissante, il faudra trouver ces terres ailleurs. Ce qui peut être facteur de déforestation et d’augmentation des prix des denrées alimentaires. »