Sur la voie des « gilets jaunes »
Le Rassemblement national, qui a lancé sa campagne pour les européennes dimanche, veut porter la colère des manifestants. Mais le parti de Marine Le Pen se défend de toute récupération politique.
Du bleu, du blanc, du rouge, mais pas de jaune. Dans les travées de la maison de la Mutualité (Paris, 5e), aucun militant du RN n’arbore le fameux gilet jaune, devenu le symbole du mouvement de contestation que le parti frontiste soutient pourtant depuis ses débuts, il y a deux mois. Un journaliste croit savoir que le DPS, le service d’ordre du RN, a demandé à l’entrée à une dizaine de sympathisants d’enlever la veste colorée. Un membre de la sécurité confirme la consigne : « Les “gilets jaunes”, c’était hier [samedi]. Aujourd’hui, c’est le lancement des européennes. Vous avez vu des drapeaux RN dans les manifs ? Non, bah, ici, c’est pareil. Chaque chose à sa place. On ne veut pas être accusé de récupération. » L’eurodéputé Nicolas Bay nuance : « Nous sommes là pour apporter des solutions à la colère qui s’exprime contre la politique d’Emmanuel Macron, à l’échelle nationale et européenne. » Aucun représentant du mouvement citoyen sur la liste européenne donc, mais, à la tribune, le jaune est dans toutes les bouches. « Quelle belle leçon sont en train de donner les “gilets jaunes”, héros anonymes de cette France qui ne veut pas disparaître et relève la tête », lance l’ex-ministre sarkozyste Thierry Mariani, récent transfuge. « Nous allons donner un nom à la colère des “gilets jaunes” (…), c’est le vote », abonde l’essayiste Hervé Juvin. Marine Le Pen va plus loin, en ciblant le président. « Le principal responsable de la situation, c’est lui. Il est incapable de ramener l’ordre, mais crée la discorde et, peut-être, demain, le chaos (…). Si Emmanuel Macron n’a pas la sagesse de changer de politique [ou] de se tourner à nouveau vers le peuple par une dissolution (…), alors l’arbitrage démocratique devra venir des européennes. » Sous les acclamations, la présidente du RN poursuit : « Dans le contexte de la saine révolte des “gilets jaunes” », ces élections seront « l’occasion de dénouer la crise politique née de l’aveuglement, de l’intransigeance, du mépris de classe, de la spoliation fiscale et de la déconnexion humaine d’un président, dérangeant dans ses attitudes, inquiétant dans ses comportements, incompétent dans ses fonctions ».
Pour parler à cette « France des oubliés », Marine Le Pen a prévu « une campagne de proximité », avec des meetings de taille modeste. Elle sait que son parti progresse dans les sondages depuis le début du mouvement, largement soutenu par ses militants. Marie confirme : « Ça ne se voit pas, mais, dans la salle, on est beaucoup à être des “gilets jaunes”. » Elle montre le sien : « Je l’ai toujours sur moi, ça peut servir. »
« On ne veut pas être accusé de récupération politique. » Un membre de la sécurité