Un journaliste du « Monde » accusé par huit femmes
Le journaliste est soupçonné de « violences psychologiques » et de « harcèlement sexuel »
« C’était en 2017, il devait être près de 23 h quand j’ai reçu son message sur Facebook, via l’application Messenger », se souvient la journaliste Fanny Bouton. Ce soir-là, un reporter du Monde qu’elle n’a jamais rencontré, mais avec qui elle partage plus de 200 relations professionnelles sur ce réseau social, lui transfère un lien vers le site de partage d’images Flickr. « J’ai cliqué et je suis tombée sur des photos de lui entièrement nu. On voyait distinctement son visage, il ne se cachait pas du tout. » Immédiatement après, l’homme s’excuse et invoque une mauvaise manipulation. « Sur le moment, je n’ai pas répondu, j’ai laissé couler. Je me suis simplement dit : “Pauvre gars” », poursuit cette spécialiste des jeux vidéo et des nouvelles technologies.
En juin 2018, la jeune femme effectue un voyage entre amies, la plupart d’entre elles sont attachées de presse. « J’ai évoqué cette histoire de photos et l’une d’elles a immédiatement réagi. Elle avait reçu les mêmes clichés de la part du même homme », souffle Fanny Bouton. Huit mois plus tard, le scandale de la « Ligue du lol », révélé par Libération, éclate et fait office de « déclic ». Le 12 février, elle décide de lancer sur sa page Facebook cet appel à témoignages : « Hey les filles journalistes et attachées de presse, avez-vous déjà reçu d’un journaliste du Monde des photos de lui nu ? (…) On est déjà trois à avoir eu affaire à lui. » En deux jours, Fanny Bouton est contactée par une dizaine d’autres femmes. Toutes racontent le même mode opératoire, la même stupéfaction, le sentiment de gêne et le malaise. Ce 6 mars 2019, huit d’entre elles ont choisi de déposer plainte contre X, quatre pour « harcèlement sexuel » et toutes pour « violences psychologiques ». Ces femmes accusent le reporter de leur avoir envoyé, sans leur consentement, des images de lui à caractère sexuel. La plainte déposée mercredi fait état de messages très similaires envoyés entre 2012 et 2017 sur Messenger. Si certaines ont côtoyé ce journaliste dans le cadre de leur profession, d’autres, comme Fanny Bouton, ne l’ont jamais rencontré.
Dans les nombreux messages que nous avons pu consulter, le journaliste utilise toujours les mêmes procédés. S’il assume parfois pleinement l’envoi de ces photos – qui intervient toujours tard le soir – qu’il juge « plutôt sages », il plaide aussi auprès de certaines le piratage ou l’erreur de destinataire. « Mais très vite, alors que ses interlocutrices restent très polies ou lui font part de leur malaise, il va proposer à certaines un déjeuner, insister pour avoir l’avis de ces femmes sur les photos, et tente toujours de savoir si elles ont bien cliqué sur le lien qui renvoie vers ces images », explique Valentine Rebérioux, l’avocate des plaignantes. Hospitalisé depuis plusieurs semaines, l’homme souffrirait depuis plusieurs années d’une maladie chronique. « C’est un dossier très complexe. Il existe une forte présomption à l’égard du traitement médicamenteux suivi par le salarié et qui pourrait être la cause de tout ou d’une partie de ses agissements », révèle Jérôme Fenoglio, directeur du Monde . « C’est un moment douloureux pour la famille, qui comprend la colère des femmes concernées et a donc tenu à expliquer qu’elle est ellemême confrontée à la maladie et aux conséquences des effets secondaires liés aux médicaments auparavant prescrits », a fait savoir à 20 Minutes l’avocat des proches du journaliste. Fanny Bouton, elle, insiste pour préserver l’anonymat de ce reporter : « On ne souhaite pas que cet homme fasse l’objet d’un lynchage. A travers cette plainte, on veut surtout rappeler que ce type de comportement – qui existe dans tous les milieux, tous les secteurs d’activité et qui vise essentiellement les femmes – n’est plus acceptable. »
« Une amie a reçu les mêmes clichés de la part du même homme. » Fanny Bouton, journaliste
« Le traitement médicamenteux suivi par le salarié pourrait être la cause de ses agissements. » Jérôme Fenoglio, directeur du « Monde »