Fragilisés, comme leur logement
«Je suis partie bosser le 5 novembre 2018 à 8 h et je suis rentrée chez moi la semaine dernière.» Virginie vit désormais en face de la «dent creuse», ce vide laissé par les deux immeubles de la rue d’aubagne, à Marseille, qui se sont effondrés il y a un an, emportant huit vies. Ce drame a révélé l’ampleur de l’habitat dégradé dans la cité phocéenne. Dans les mois qui ont suivi, plus de 4000 personnes ont dû être évacuées de leur logement dangereux.
«En s’effondrant, les immeubles ont fragilisé le nôtre, qui avait déjà des problèmes d’humidité dans la cave», explique Virginie. La famille a été relogée à l’hôtel. «Ça a été un choc, se souvient la professeure. Je suis tombée en dépression, j’ai dû prendre un congé. Ça a duré deux mois.» Ella fait elle aussi partie des délogés de la rue d’aubagne. «Pendant cinq mois, j’ai été complètement larguée», confie celle qui s’est alors investie à fond aux côtés des «gilets jaunes» «pour oublier [s]es problèmes». Elle a aussi pu compter sur la solidarité du Collectif du 5 novembre, et de ses psychologues bénévoles. Isabelle Bordet en fait partie. «L’état de stress que vivent ces personnes a pour conséquences une perte de repères, une désocialisation à cause de laquelle ils vont déclencher une forme de décompensation, explique la spécialiste. Cela peut réactiver d’anciens traumatismes ou provoquer des addictions.» Pour Isabelle Bordet, les symptômes des «délogés» sont comparables à ceux des sans domicile fixe. Peu rassurant : la Fondation Abbé-pierre estime à 100 000 le nombre de personnes qui vivent dans des taudis à Marseille, et qui risquent l’expulsion.