La mère d’emilie Tanay veut « soulever des questions»
La maman de la fillette tuée par de la Josacine empoisonnée il y a vingt ans, Corinne Tanay, vient de publier une contre-enquête
Corinne Tanay prévient : «Je ne suis pas là pour clamer l’innocence de Jeanmarc Deperrois, mais pour soulever des questions. » Condamné en 1997 à vingt ans de prison pour empoisonnement avec préméditation, et libéré en 2006, cet ancien adjoint au maire de Gruchetle-valasse (Seine-maritime) réfute toujours son implication dans le meurtre de la fille de Corinne, Emilie Tanay. Jeudi, la mère de la fillette empoisonnée par un traitement à la Josacine contenant du cyanure a publié La Réparation volontaire (éd. Grasset). Une contre-enquête et un récit de sa rencontre avec Jean-marc Deperrois.
Pourquoi un tel ouvrage ?
Depuis 1994, mon mari et moi-même posons la même question : que s’est-il passé exactement le soir de la mort de notre fille chez le couple Tocqueville, qui la gardait exceptionnellement ce 11 juin? Ni le procès ni l’enquête n’ont permis d’y répondre. J’ai vraiment commencé à travailler sur le fond du dossier à partir de 1999, après la condamnation de Jean-marc Deperrois. J’ai rencontré une policière, Brigitte, qui m’a accompagnée dans cette démarche. Elle avait un autre regard sur ce dossier et elle m’a tout de suite aidée à mettre le doigt sur les questions restées sans réponse dans la procédure. L’idée de rencontrer Jean-marc Deperrois est venue plus tard.
Y a-t-il eu des manquements lors des investigations, selon vous ?
La chronologie des faits a été écartée par le magistrat instructeur. Comment expliquer le silence du couple Tocqueville sur le traitement à la Josacine que prenait Emilie lorsque les urgentistes sont intervenus? Pourquoi ont-ils dit au médecin qu’elle avait «peut-être fait une chute dans le grenier»? Beaucoup d’éléments ont été balayés à partir du moment où Jean-marc Deperrois a été placé en garde à vue et mis en examen.
En 2009, vous émettez le souhait de vous entretenir avec Jean-marc Deperrois. On vous rétorque : « Nous ne sommes pas aux Etats-unis »…
La France a plus qu’un train de retard en matière de justice réparatrice. J’ai pu le constater quand je suis allée au Canada pour étudier la prise en charge des victimes et les travaux menés làbas autour du deuil. Nous ne sommes pas avant-gardistes. C’est pour cette raison que je ne voulais pas être encadrée par une association ou par des personnes rattachées à l’institution judiciaire lorsque j’ai décidé de rencontrer
Jean-marc Deperrois. C’était mon droit.
Attendez-vous encore quelque chose de la justice ?
La justice est rendue par des hommes avec une personnalité, une sensibilité, des défauts, des qualités. Cette affaire était complexe, notamment d’un point de vue scientifique, et je ne crois pas que les magistrats ont toujours eu le recul nécessaire. A force de trop s’intéresser au cyanure, ils ont mis à l’écart certains faits. Aujourd’hui, nous nous posons toujours des questions. Je crois que le silence que nous opposent certains protagonistes comporte notre part de vérité. J’espère que, un jour, ils briseront ce silence.