20 Minutes (Toulouse)

« Death Stranding », ça marche ou... ça décourage

Attendu comme un chef-d’oeuvre, le titre se révèle être une réflexion audacieuse, passionnan­te ou rebutante, sur le média lui-même

- Vincent Julé

Ce serait donc ça l’avenir du jeu vidéo : des missions annexes et des livraisons Fedex? Lorsque Hideo Kojima a dévoilé «Death Stranding» à l’e3 2016, les joueurs découvraie­nt un Norman Reedus nu, relié à un foetus, sur une plage noire, recouverte de poissons et de baleines échouées. A partir de là, tout était possible de la part du créateur génial de « Metal Gear Solid ». Tout, et donc n’importe quoi ? Depuis sa sortie vendredi dernier sur PS4 (la sortie sur PC est prévue à l’été 2020), son nouveau jeu ne laisse pas indifféren­t, entre une critique française dithyrambi­que, une réception plus tiède aux Etats-unis… et des joueurs circonspec­ts. «On s’emmerde, c’est vide, froid, lent, long », peut-on lire sur Jeuxvideo.com.

Il faut dire qu’on ne s’attendait pas forcément à ce que l’acteur de la série « The Walking Dead » troque l’arbalète pour la casquette de livreur. Norman Reedus interprète le bien nommé Sam Porter Bridges, qui parcourt une Amérique dévastée par une mystérieus­e catastroph­e surnaturel­le pour livrer toutes sortes de choses aux population­s survivante­s. Il croisera d’autres personnage­s, à travers un casting quatre étoiles (Mads Mikkelsen, Léa Seydoux, Guillermo del Toro, Nicolas Winding Refn), ainsi que des livreurs devenus fous ou des fantômes échoués dans le monde des vivants. Mais il est le plus souvent seul.

Métaphore de la vie

Derrière le gloubi-boulga SF, Hideo Kojima livre une réflexion sur le jeu vidéo et son évolution, aujourd’hui, pour beaucoup, acquise aux mondes ouverts et aux quêtes annexes. C’est comme s’il avait retiré tout ce qui lui paraissait superflu pour n’en garder que l’expression la plus pure, et, ironiqueme­nt, faire des missions annexes la campagne solo.

Le joueur passera ainsi des heures à porter, livrer et… marcher : mettre un pied devant l’autre, ajuster ses colis, trouver l’équilibre… Difficile de ne pas y voir une métaphore – peut-être naïve – de la vie, Sam Porter Bridges «portant» le poids du monde sur son dos et créant des «ponts» entre les hommes. «Si vous jouez juste dix ou quinze minutes, vous ne comprendre­z pas, commente Hideo Kojima sur Jeuxvideo.com. Vous devez jouer jusqu’au bout pour pouvoir avoir un ressenti.» «Death Stranding» peut être vu comme ennuyeux et froid, ou alors contemplat­if et beau. « Regardez les retours à l’époque de 2001, l’odyssée de l’espace, que j’ai adoré, réagit le créateur, toujours sur Jeuxvideo.com. A sa sortie, les gens disaient que c’était ennuyeux, tout le monde s’endormait, les gens ne comprenaie­nt rien. Blade Runner, c’était pareil. Mais regardez ce qu’on en pense aujourd’hui : ce sont des classiques, des films légendaire­s. C’est toujours pareil lorsqu’il y a de la nouveauté. » Rendezvous donc dans quelques décennies pour savoir ce qu’il reste de l’odyssée « Death Stranding ».

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L’activité principale du héros est le transport de colis, et donc la marche.

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