Comment lancer une alerte sans être inquiété en retour ?
Les lanceurs d’alerte s’exposent à des ennuis judiciaires et professionnels
« J’ai eu le sentiment très pénible d’être traquée, comme si j’étais à l’origine d’une conspiration (…) alors que je ne faisais que mon travail.» Lors de son témoignage au tribunal le 17 octobre, la pneumologue à l’origine des révélations sur le scandale du Mediator, Irène Frachon, n’a rien omis des difficultés endurées ces dix dernières années. Comme elle, la majorité des lanceurs d’alerte sont confrontés à de nombreuses épreuves. A l’occasion du salon « Des livres et l’alerte », qui se tient ce week-end à Montreuil (Seinesaint-denis), 20 Minutes a recueilli quatre conseils destinés à ces citoyens.
Amasser les preuves. Economiste et spécialiste des procédures collectives, Daniel Ibanez est l’un des principaux opposants au projet de ligne à grande vitesse Lyon-turin. « Que vous alliez voir votre voisin de bureau, le préfet ou votre patron pour dénoncer un fait gravissime, si vous n’avez aucune preuve, ça ne marchera pas », assène cet habitué des prétoires, cofondateur du salon « Des livres et l’alerte ».
S’appuyer sur ses proches. Une fois le tourbillon enclenché, le soutien familial peut faire office de rempart, estime Emmanuelle Amar, directrice du Registre des malformations en Rhône-alpes (Remera), à l’origine des révélations sur les bébés nés sans bras : « On est rarement dénigrés sur le fond mais davantage sur notre personne. » Le risque pour l’équilibre familial est réel, ajoute Daniel Ibanez : « Le sujet prend toute la place. Vous vous retrouvez dedans en permanence. »
Demander un conseil juridique. Depuis l’adoption de la loi Sapin 2 en 2016, le défenseur des droits est chargé de la protection des lanceurs d’alerte face aux personnes ou entités visées par le scandale révélé. Plusieurs associations de juristes et d’avocats existent pour aider gratuitement les lanceurs d’alerte vulnérables et visés par des procédures judiciaires.
Garder la tête froide. « Le lanceur d’alerte obsessionnel est son pire ennemi », observe Jean-philippe Foegle coordinateur d’une structure unique en France, la Maison des lanceurs d’alerte, qui accompagne les citoyens qui bénéficient de ce statut. « Une personne qui lance l’alerte et qui a la sensation que rien n’est fait, qui s’énerve, qui tient des propos un peu vifs, va finir par en payer le prix. »