20 Minutes (Toulouse)

Le regret d’être mère demeure «un immense tabou»

La sociologue israélienn­e Orna Donath publie ce mercredi en France «Le Regret d’être mère», sujet qui suscite l’incompréhe­nsion

- Oihana Gabriel

« J’ai deux enfants de 30 et 19 ans que j’aime plus que tout, mais je sais pertinemme­nt que, si c’était à refaire, je ne ferais pas d’enfant», nous confie Karin, 49 ans, une internaute. Et si on pouvait, malgré les injonction­s et les accusation­s, autoriser les mères à dire leur vérité? Ce vent de liberté, qui a décoiffé plus d’un lecteur, vient d’israël. La sociologue Orna Donath publie en France ce mercredi Le Regret d’être mère (éd. Odile Jacob), d’après une enquête parue en 2015. La preuve que, petit à petit, ce tabou se fissure dans l’hexagone ?

«Je pense qu’il y aura un impact en France », explique Charlotte Debest, sociologue et autrice du Choix d’une vie sans enfant (Presses universita­ires de Rennes). Pour Orna Donath, il n’est pas seulement question de rappeler combien la vie de mère s’avère exigeante. «Le regret, c’est quand une femme pense que c’était une erreur, précise la sociologue israélienn­e, contactée par 20 Minutes. C’est, encore aujourd’hui, un immense tabou. Pour la société, l’instinct maternel est naturel. Or chaque femme ne vit pas de la même façon cette relation. » Pour Charlotte Debest, ce sentiment est difficile à avouer, car « il remet en question l’identité de la femme, qui doit faire des enfants, censés être synonymes de bonheur pour leurs parents ».

« Je donnerais ma vie pour mes enfants, mais je ne pensais pas que ce serait aussi dur. »

Ilhame, 42 ans

Ce tabou s’accompagne d’un certain nombre de clichés, qu’orna Donath détricote : une mère qui regrette serait forcément traumatisé­e, malade, voire dangereuse pour sa progénitur­e.

Or on retrouve dans les témoignage­s cette nuance : on peut regretter d’avoir eu des enfants et les aimer. «Je donnerais ma vie pour mes enfants sans hésiter !, réagit Ilhame, 42 ans et mère de trois enfants. Mais je ne pensais pas que ce serait aussi dur, surtout la partie conflit pendant l’adolescenc­e.» Certains ne comprennen­t pas ce sentiment alors que, aujourd’hui, beaucoup de femmes ont accès à la contracept­ion et à L’IVG. « C’est difficilem­ent dicible, car certains leur reprochent le fait qu’elles auraient pu ne pas avoir cet enfant, qu’elles ne peuvent s’en prendre qu’à elles-mêmes », ajoute Charlotte Debest.

Orna Donath souligne qu’il n’y a pas que des mères célibatair­es ou ayant des enfants en bas âge qui ont témoigné. « En général, on va vous dire que le bonheur d’être mère va arriver avec le temps, reprend-elle. Or j’ai rencontré des grands-mères qui m’ont assuré qu’elles regrettaie­nt toujours. » C’est le cas d’isabelle, qui fut mère célibatair­e au milieu des années 1970. « J’aime ma fille plus que tout! Mais être maman à 20 ans ne faisait pas partie de mes projets. C’est sans doute très égoïste, mais je suis passée à côté de ma vie. Les femmes de ma génération n’osent pas le dire, mais c’est le cas d’un très grand nombre. »

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Pour la chercheuse, le fait de regretter d’être mère est «un immense tabou».

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