La pauvreté «en pleine face»
Le film « Les Misérables » de Ladj Ly, qui sort en salles ce mercredi, dresse un état des lieux édifiant des banlieues populaires et de sa jeunesse.
Pour son premier long-métrage, Ladj Ly a réussi un coup de maître. Les Misérables a reçu le prix du jury du Festival de Cannes et le prix d’ornano-valenti à Deauville. Le réalisateur ne s’offusque pas quand on évoque, au sujet de son film, La Haine de Mathieu Kassovitz, récompensé à Cannes en 1995. « La référence est évidente, d’autant que Les Misérables est coproduit par le collectif Kourtrajmé, soutenu par Vincent Cassel et Mathieu Kassovitz, raconte-t-il. Je montre que les choses n’ont pas beaucoup changé depuis La Haine. » Son film plonge dans la cité d’une banlieue de Seine-saintdenis où une réaction disproportionnée de la police met le feu aux poudres. «J’ai vu ce que je décris à l’écran, explique Ladj Ly. J’ai essayé de filmer les choses comme je les ai vécues pendant les émeutes de 2005.» Le cinéaste en avait tiré un documentaire en 2007, puis un court-métrage, dont il reprend le script sur trois policiers de la BAC (brigade anticriminalité) qui tentent de désamorcer la situation explosive qu’ils ont déclenchée. Entre caméra à l’épaule et séquences filmées au drone, Les Misérables est ancré en 2019. « Les téléphones portables ou minicaméras ont changé la donne en permettant une diffusion immédiate des images », précise-t-il. Les policiers tentent de saisir celles qui les incriminent.
« La réalité de la banlieue »
« C’est amusant de constater que deux films en 2019 s’inspirent de Victor Hugo pour décrire l’état du monde et la révolte du peuple», commente le réalisateur. Entre Joker, où Todd Phillips reconnaît avoir pensé à L’homme qui rit pour son héros, et Les Misérables, l’écrivain est à l’honneur. « Ce n’est pas demain, hélas, que la pauvreté que décrivait Hugo ne sera plus d’actualité », soupire Ladj Ly. Son film met l’accent sur la colère des opprimés, prêts à se révolter, sans pour autant être «antiflics».
«J’ai essayé de faire découvrir la réalité de la banlieue, de balancer les images en pleine face de ceux qui ne connaissent pas la vie de la cité », insiste Ladj Ly. Les Misérables révèle un cinéaste talentueux. « Il n’y a pas que de la rage dans mon film, il y a aussi un désir de mise en scène », poursuit-il. Comme La Haine, ce brûlot passionnant pourrait servir de témoignage de son époque.