20 Minutes (Toulouse)

Des scientifiq­ues tordent le cou aux rumeurs sur le loup

La présence du canidé sur une partie du territoire suscite de nombreuses infox, combattues par les experts de l’animal

- A Marseille, Jean Saint-marc

Elle court, elle court, la rumeur. « Demain, ce sera nos enfants », lance un éleveur en nous montrant trois photos de brebis saignées. Sur Facebook, une militante proloup écrit que les gardes de L’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage) ont « secrètemen­t tué un louveteau » dans la station de Valberg (Alpes-maritimes). Le maire de Draix (Alpes-de-hauteprove­nce), Pascal Serra, nous affirme, lui, que «c’est L’ONCFS qui a réintrodui­t le loup». Trois fake news.

« Il y a énormément de contre-vérités qui circulent, déplore Nicolas Jean, ingénieur spécialist­e du loup à L’ONCFS. Le loup, c’est un sujet passionnel, donc on bascule dans l’irrationne­l. » Chargé de ce dossier sensible, cet ingénieur fait ce qu’il peut pour lutter face aux rumeurs. Sur le terrain, ses agents, membres de la «brigade loup», font eux aussi un important travail de vulgarisat­ion. Après une journée passée sur les crêtes à la recherche de l’animal, ils doivent répondre aux inquiétude­s des habitants, persuadés qu’un « randonneur se fera bouffer un jour ». Olivier, membre de cette brigade, rappelle que, «même en recherche au sang sur des animaux blessés, on n’a jamais vu de loup agressif en France».

Une espèce peu connue

A chaque conférence qu’il donne, l’éthologue suisse Jean-marc Landry doit se livrer au même travail contre les fausses infos : « On me dit souvent que les loups français sont des hybrides de chiens, qu’ils attaquent l’homme et qu’ils vont vider les forêts du gibier. Tout ça est faux!» Il n’a pas vraiment de secret pour lutter contre les fake news, juste des armes de scientifiq­ue :

« J’apporte des preuves concrètes, notamment avec des vidéos. Et quand je ne sais pas, je le dis, ça rassure les gens. » Le loup reste une espèce peu connue en France. « Deux génération­s ont vécu sans le loup, absent du territoire entre 1930 et 1990», explique Nicolas Jean. Son institutio­n, « entre le marteau et l’enclume», est critiquée de toutes parts. « L’ONCFS communique mal, ils sont parfois dans un déni qui ressemble à de la désinforma­tion par omission », accuse ainsi Jean-luc Valérie, photograph­e animalier. Sa page Facebook, « L’observatoi­re du loup », affirme que des loups sont présents en Charente ou en Bretagne. Ce que dément L’ONCFS.

«Un naturalist­e amateur ou un agriculteu­r peut raconter n’importe quoi, alors que, si c’est L’ONCFS qui le dit, il y a tout de suite des conséquenc­es politiques, rappelle Jean-marc Landry. Sans leur rigueur, on verrait du loup partout!» Car l’animal fascine – au moins autant qu’il inquiète. « Le christiani­sme s’est servi de l’image du loup pour incarner le mal, car le prédateur qui s’attaquait aux brebis pouvait concerner tous les peuples, retrace l’éthologue. J’ai l’impression que l’homme a besoin d’un réceptacle pour ses propres vices. Le loup n’est-il pas, finalement, une sorte de miroir de ce que nous sommes?»

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En France, le loup est un animal qui fascine autant qu’il inquiète.

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