20 Minutes (Toulouse)

La réalisatri­ce Houda Benyamina assure qu’«on finira par arriver à la parité, même si ce sera lent»

Chaque vendredi, un témoin commente un phénomène de société

- Propos recueillis par Caroline Vié

En 2016, Houda Benyamina avait enflammé la Croisette avec son discours passionné en faveur des femmes en recevant la Caméra d’or pour Divines, également récompensé de trois césars. Trois ans après, elle écrit son deuxième longmétrag­e et préside le jury des courts-métrages au festival des Arcs jusqu’à samedi.

Pensez-vous que la parité dans le cinéma puisse devenir une réalité ?

Il y a encore du travail, mais j’y crois. Bien évidemment, les femmes disposent toujours de budgets moins conséquent­s que les hommes pour faire leurs films et elles sont toujours moins payées qu’eux. La charte signée par le CNC est un signe positif dans ce sens. Le processus sera lent, mais on va y arriver.

Croyez-vous aux bienfaits de la discrimina­tion positive ?

Ce système a fait ses preuves dans des pays nordiques comme le Danemark. On a imposé des quotas de femmes jusqu’à ce que la parité soit atteinte, puis on a supprimé ces obligation­s. Ces méthodes accélèrent le mouvement et permettent d’éviter de sacrifier des génération­s avant le changement.

Ne craignez-vous pas que cela donne des films médiocres ?

Combien de films médiocres réalisés par des hommes voient le jour chaque année! Je lutte pour que les femmes aussi aient droit à la médiocrité. Quand on en sera là, c’est qu’on pourra se considérer sur un pied d’égalité avec les hommes. Il y a quelques années à Cannes, des réalisateu­rs et des réalisatri­ces estimaient que s’il n’y avait pas de films de femmes sélectionn­és, c’est parce qu’ils n’étaient pas assez bons. Je trouvais cette théorie fumeuse car les talents féminins existent ! On ne peut plus prétendre le contraire aujourd’hui.

Pourquoi n’étaient-ils pas mis en avant ?

Tant qu’on ne trouvait pas davantage de diversité dans les postes décisionna­ires, il est certain que la situation stagnait. Quand je parle de diversité, je pense aussi à toutes les personnes que leur origine, leur genre, leur religion ou leur orientatio­n sexuelle ont mises au ban de la société. Je crois en l’« intersecti­onnalité » qui permet à toutes les minorités de s’allier pour défendre des valeurs. C’est ce que nous avons fait avec 50/50. Ce n’est pas seulement un collectif de femmes de cinéma car nous défendons toutes les minorités. Et ça, c’est historique… Je suis confiante dans le pouvoir du cinéma pour questionne­r le monde.

La sélection en festivals est-elle si importante ?

Elle ouvre des portes à des oeuvres qui seraient moins remarquées, voire ignorées, sans eux. Un festival comme Cannes a aidé à bousculer les lignes en sélectionn­ant des oeuvres comme Divines et Mustang de Deniz Gamze Ergüven à la Quinzaine des réalisateu­rs ou Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma.

Faut-il y voir l’influence du mouvement #Metoo ?

Quand je suis arrivée avec Divines en 2016, ce mouvement n’existait pas. Je suis enchantée qu’il ait émergé depuis. Cette évolution était une nécessité. Quand Adèle Haenel s’exprime, j’admire et soutiens sa démarche car elle ose parler de ce qu’elle a vécu personnell­ement. Elle s’attaque au système qui a rendu cela possible. Sa démarche est politique : elle sert la cause de toutes les femmes.

Et ça fonctionne dans le monde entier ?

Absolument. La preuve : Rosanna Arquette et Viola Davis ont râlé contre l’académie des Oscars parce qu’il n’y avait pas assez de diversité. Depuis, on m’a proposé d’entrer à l’académie. Je voterai pour la première fois dans quelques semaines. J’espère qu’il y aura des réalisatri­ces en lice.

Vous avez fait vos débuts aux Etats-unis…

Ce qui est bien avec les Américains, c’est qu’ils vous ouvrent des portes. J’ai réalisé deux épisodes de la série The Eddy. C’est un drame musical créé par Damien Chazelle qui rend hommage à la nouvelle vague. Je crois que cette série va être révolution­naire.

Vous vous verriez travailler pour Netflix ?

Et pourquoi pas ? Netflix est un véritable détecteur de talents qui a acheté Divines avant même que le film soit à Cannes. Si on me donne la liberté que j’ai eue sur The Eddy, je serai partante. J’estime que la plateforme participe à une démocratis­ation de la culture.

« J’admire et soutiens la démarche d’adèle Haenel. »

« Le processus pour la parité sera lent, mais on va y arriver. »

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La cinéaste et militante pour la diversité vient de réaliser deux épisodes de la série The Eddy pour Netflix.

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