L’entente franco-turque prend l’eau
Les deux pays s’envoient mutuellement des avertissements
Une attaque en mer, des arrestations d’« espions »… Les relations entre la France et la Turquie s’enveniment. Au large de la Libye, un incident naval a eu lieu le 10 juin entre les deux puissances. D’un côté, la frégate française Courbet, qui patrouille en Méditerranée pour le compte de l’otan. En face, un navire suspecté de transporter des armes à destination de la Libye. La marine française reçoit l’ordre de vérifier sa cargaison et prend contact avec le navire. Selon la France, un navire de la marine turque à proximité l’a alors « illuminé ». L’illumination au radar est destinée à effectuer un repérage ultime avant un tir. «On ne peut pas accepter qu’un allié fasse cela contre un navire de l’otan sous commandement Otan menant une mission Otan », a dénoncé la ministre des Armées, Florence Parly. De son côté, la Turquie a rejeté des accusations « infondées ».
Bataille d’influence
Cet accrochage témoigne de la bataille d’influence qui se joue dans cette zone de la Méditerranée. « La Turquie est en train d’occuper un espace en Libye que la France espérait jouer, commente Luis Martinez, auteur de L’afrique du Nord après les révoltes arabes (éd. Presses de Sciences po). La France a été, avec le Royaume-uni et les Etats-unis, à l’origine de la chute du régime de Kadhafi. Mais ces pays ont ensuite abandonné la région. » La Turquie a alors investi cet espace. « Elle espère offrir un modèle idéologique et politique en Afrique du Nord, avec les partis islamistes au pouvoir, poursuit le spécialiste. Ce serait, du point de vue de la France, un échec politique cruel. »
Autre coup de canif dans les relations entre les deux pays : l’arrestation de quatre personnes soupçonnées d’être des « espions » à la solde de la France, annoncée par Ankara. «C’est un avertissement, analyse Didier Billion, directeur adjoint de l’institut de relations internationales et stratégiques. Le fait que ça se produise aujourd’hui et que la presse turque y donne du relief indique que c’est un signal fort envoyé à la France, qui met en évidence l’état de dégradation des relations entre les deux pays. Le message turc est clair : on ne se laissera pas faire.» Le ministre des Affaires étrangères, Jeanyves Le Drian, a réagi mercredi, en demandant à l’union européenne de se pencher « sans tabou » sur sa relation avec la Turquie.