Le risque d’une vague judiciaire
Les employeurs sont susceptibles d’être attaqués en justice s’ils ont mal géré la protection de leurs salariés pendant la crise
Abattoirs, Ehpad… Malgré l’état d’alerte générale face au Covid-19, certains lieux de travail sont devenus des foyers épidémiques. Les salariés qui ont dû continuer de travailler sur site ont ainsi pu s’exposer à des contaminations. Les juristes s’attendent donc à l’arrivée de contentieux dans lesquels les employeurs seront mis en cause pour ne pas avoir pris leurs responsabilités. « Je pense qu’on en est au début », estime Sophie Selusi-subirats, maîtresse de conférences en droit privé à l’université de Montpellier, interrogée par l’association des journalistes de l’information sociale.
« Le débat va être complexe »
Signe de la fébrilité sur le sujet, le gouvernement a multiplié les protocoles sanitaires à destination des entreprises, selon leur secteur d’activité. Celles-ci ont alors « ont réagi comme elles pouvaient », révélant dans certains cas les « lacunes d’une prévention des risques professionnels efficace», estime Sophie Selusi-subirats.
« Le débat va être extrêmement complexe, estime Stéphane Bloch, avocat associé chez Flichy Grangé Avocat et membre d’avosial, association qui regroupe les avocats spécialisés dans la défense des employeurs. Il serait déraisonnable de condamner un employeur pour ne pas avoir imposé le port du masque alors que la doctrine a pour le moins été fluctuante. L’employeur est responsable, en l’état des connaissances du moment.»
Pour le professeur de droit privé à l’université de Lorraine Patrice Adam, les possibilités de condamnation en justice sont très loin d’être assurées, si bien que les recours des salariés ou des élus du personnel pourraient ne pas être nombreux. Quant aux recours devant les prud’hommes, «la faute de prévention n’est pas en soi un préjudice », affirme Patrice Adam. Comprendre : il est inutile de chercher à faire condamner a posteriori un employeur qui n’aurait pas fourni de protections, si aucun cas n’a finalement été détecté parmi les salariés.