Procès d’un crime sans cadavre
Le tueur présumé d’amandine Estrabaud comparaît ce jeudi aux assises, à Albi. Le corps de la trentenaire n’a jamais été retrouvé
Un carré d’herbes couchées derrière sa maison, une paire de ballerines, des boucles d’oreilles au fermoir déformé, retrouvées à l’extérieur, et une porte d’entrée ouverte. C’est tout ce qu’a laissé derrière elle Amandine Estrabaud, 30 ans et « pleine de vie ». Personne ne l’a jamais revue, depuis plus de sept ans. Elle est devenue la « disparue du Tarn », au coeur d’un mystère judiciaire.
Le procès de son meurtrier présumé s’ouvre ce jeudi, devant les assises du Tarn. Dans le box, Guerric Jehanno, un ancien maçon de 32 ans, originaire de Roquecourbe, comme Amandine. Les enquêteurs ont acquis la certitude que c’est lui dont la trentenaire a croisé la route le mardi 18 juin 2013. Après avoir quitté le lycée de Castres, où elle travaillait, la jeune femme devait rejoindre, probablement en stop, sa maison toute neuve située à 13 km de là. Les enquêteurs pensent que le jeune homme, qui a confessé une certaine attirance pour la disparue, est celui qu’une voisine a aperçu en pantalon de chantier et en camionnette blanche, entrant avec Amandine dans sa maison. Guerric Jehanno, placé en détention provisoire depuis quatre ans, a toujours clamé son innocence.
Confessions de cellule
Cela n’entame pas la conviction de Monique Sire, la mère d’amandine, sûre de la culpabilité de l’accusé et qui vit depuis des années « un cauchemar éveillé ». « Elle attend d’être confrontée au meurtrier de sa fille. Et elle espère une peine extrêmement lourde, à la hauteur de l’horreur du crime », assure Pierre Debuisson, qui défend la famille depuis le début. Elle espère surtout que Guerric dise enfin où il l’a enterrée. L’avocat estime que l’absence de corps n’est « pas du tout un obstacle », en raison de « l’accumulation » des présomptions. Pierre Debuisson s’appuiera probablement sur les confessions carcérales de Guerric. Quatre de ses codétenus affirment avoir recueilli ses aveux. L’un a même produit un plan, tracé de la main de l’accusé, de l’hypothétique sépulture. Leurs témoignages ont provoqué l’ajout du viol aux chefs d’accusation. «Des ragots de cul de basse-fosse dont on peut se demander s’ils n’ont pas été orchestrés », s’emporte Simon Cohen, le défenseur de Guerric Jehanno. Le pénaliste toulousain se demande presque ce qu’il va faire à Albi pour un procès qui « n’aurait jamais dû se tenir ». « Il y a comme un défi à la logique dans cette affaire où l’on n’a aucune certitude qu’un crime ait été commis», martèle Simon Cohen. Le dossier ne comporte aucune preuve matérielle de la mort d’amandine. « Pas la moindre goutte de sang, pas le moindre lambeau de peau, insiste l’avocat, et les fouilles pour retrouver le corps ont été exceptionnellement denses. »