Un outil pour sentir les pics à l’hôpital
Des chercheurs estiment que le recensement des pertes olfactives serait un moyen de prévoir les surcharges hospitalières
Le constat ne fait plus débat : même si elle n’apparaît pas à tous les coups, l’anosmie – autrement dit la perte olfactive – est un des symptômes du Covid-19. «Au départ, les premières études chinoises ne faisaient pas de lien spécifique, mais à partir du mois de mars, les spécialistes qui travaillent sur l’odorat ont créé une communauté internationale de plus de 500 chercheurs et nous avons mis en ligne un questionnaire grand public, traduit dans plus de 30 langues», raconte Denis Pierron, chercheur dans l’équipe de médecine évolutive (AMIS, CNRS-UT3) de Toulouse. Plusieurs milliers de Français se sont prêtés au jeu. Ils ont fourni aux scientifiques une matière première précieuse qui, alors que la deuxième vague frappe la France de plein fouet, pourrait s’avérer très utile. Car dans une publication dans la revue Nature Communications, notamment signée par Denis Pierron et Moustafa Bensafi, son collègue du centre de recherche en neurosciences de Lyon, les auteurs suggèrent tout bonnement aux pouvoirs
Les recherches ont montré un lien « spatio-temporel fort » entre l’anosmie et le stress hospitalier.
publics de considérer la perte olfactive comme un outil de prévision de la surcharge hospitalière. Leurs recherches ont en effet montré un lien «spatio-temporel fort», entre l’anosmie et le stress hospitalier. Avec le recul, elles indiquent que dans les régions les plus fortement touchées par la première vague, comme dans le Grand-est par exemple, le pic de surcharge hospitalière est apparu « une dizaine de jours après » le pic d’anosmie. Au dépouillage des questionnaires, ils ont ajouté des données plutôt simples à se procurer : les requêtes Google sur la perte du goût et de l’odorat. Et la corrélation est la même. « Les requêtes sur la toux et la fièvre apparaissent, puis celles sur l’anosmie trois jours plus tard et la surcharge hospitalière environ dix jours après », souligne Denis Pierron. Un simple questionnaire en ligne* et une analyse fine des données Internet : pour les auteurs de l’étude, l’outil serait « peu coûteux » et, conjugué aux autres indicateurs, pourrait permettre de mieux anticiper les vagues d’arrivées dans les hôpitaux.
Et même d’évaluer les décisions prises pour gérer la pandémie. Car, avec les mêmes méthodes, les chercheurs estiment aussi que le confinement a été « très rapidement efficace ». « Les recherches Internet sur l’anosmie ont commencé à décroître trois jours après le début du confinement », relève le chercheur toulousain. * Questionnaire disponible à l’adresse : form. crnl.fr/index.php/146862?newtest=y&lang=fr