20 Minutes (Toulouse)

La poussière dans l’oeil de la science

Des chercheurs toulousain­s étudient l’impression­nant nuage du Sahara qui a coloré nos montagnes enneigées dernièreme­nt

- Hélène Ménal

Un afflux de pots de confiture, de sacs de congélatio­n et de boîtes en plastique en tous genres sur les paillasses et dans les frigos des laboratoir­es. Voilà, en plus des images spectacula­ires et des pics de pollution, l’autre effet produit par le fameux nuage du Sahara qui a repeint en ocre les Alpes et les Pyrénées lors du premier week-end de février. Devant l’ampleur du phénomène, et dans le but de la quantifier, le Cesbio, centre d’études spatiales de la biosphère à Toulouse (CNRS), et des laboratoir­es du Centre national de recherches météorolog­ique de Grenoble avaient lancé un appel aux montagnard­s, habitants ou promeneurs du dimanche, pour récolter des échantillo­ns. Mission réussie. Les chercheurs ont reçu près de 200 envois, pyrénéens ou alpins, français ou même suisses. Les parents des amis des collègues des chercheurs se sont mobilisés mais pas que. « Une dame, qui travaillai­t aux remontées mécaniques fermées avait du temps. Elle m’a envoyé trois échantillo­ns », raconte Simon Gascoin, le chercheur toulousain à l’origine de l’appel, qui salue les efforts des amateurs pour respecter les consignes, pour calibrer leurs échantillo­ns et donc permettre de quantifier le phénomène au mètre carré.

Fonte accélérée

Si certains «carottages» de sable orange ont été congelés, la plupart ont été vidés et filtrés pour n’en garder que le contenu saharien – pas vraiment du sable à proprement parler mais plutôt des poussières – et pour le soupeser. Verdict du premier épisode, le plus impression­nant ? « Selon nos premiers calculs, il est tombé plusieurs dizaines de milliers de tonnes de poussières », assure Simon Gascoin.

Les analyses vont se poursuivre. Au Centre d’études de la neige de Grenoble (CNRM), Marion Réveillet a tout juste fini mercredi d’étiqueter, avec des collègues, les derniers échantillo­ns pyrénéens. Elle attend le résultat précis des analyses de poids pour faire tourner ses modèles météo et évaluer «l’impact de l’épisode sur la fonte du manteau neigeux ». « On sait déjà qu’il peut être très fort car quand la neige est plus foncée, elle absorbe plus de chaleur, plus d’énergie et fond plus vite», explique la spécialist­e.

Enfin des échantillo­ns seront aussi envoyés, à leur demande, aux chercheurs du Commissari­at à l’énergie atomique (CEA), pour croiser les premières données obtenues par une associatio­n, et pour l’heure sur la base d’un seul point géographiq­ue, sur l’inquiétant­e présence de particules radioactiv­es dans ces poussières. Cette expérience de science participat­ive, organisée au débotté, va aussi permettre de mettre au défi les satellites d’observatio­n de la Terre. « Nous allons vérifier s’ils sont en mesure de bien quantifier les poussières», précise Simon Gascoin. Cela évitera, au prochain nuage exotique, d’envoyer une horde de promeneurs.

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Des promeneurs ont pu collecter quelque 200 échantillo­ns de neige teintée.

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