20 Minutes (Toulouse)

Après 40 jours dans une grotte, place aux enseigneme­nts

Les quinze membres de la mission Deep Time sont sortis, samedi, de leur isolement volontaire dans la grotte de Lombrive, en Ariège

- Jean-loup Delmas

Ils ont passé quarante jours sans notion de temps ou d’espace, sans voir le soleil, ni regarder un calendrier. Quinze volontaire­s ont habité au fond de la grotte de Lombrives, en Ariège, pour une expérience scientifiq­ue appelée Deep Time. Ils ont retrouvé, samedi, la lumière du jour. «L‘annonce de la sortie a été un choc pour les équipiers dont la plupart n’était qu’au 30e cycle, soit trente jours pour eux », a expliqué le chef de l’expédition, Christian Clot de l’institut de l’adaptation humaine. Sans repères temporels, les individus de l’expérience ont raisonné en termes de cycle, un cycle comprenant une partie d’activité et une partie de repos. Ce qui correspond pour nous à une journée de travail, suivie d’une nuit de sommeil, soit vingt-quatre heures. Mais sous terre, il est impossible de savoir combien d’heures dure chaque cycle.

Au 23 mars, soit neuf jours après l’entrée de la grotte, Christian Clot en était à son neuvième cycle, tandis que d’autres Deep Timers en étaient à dix ou sept. Au douzième jour, les Deep Timers reconnaiss­ent avoir totalement perdu la notion de temps, n’ayant plus aucune idée de date, et encore moins du moment de la journée (matin, après-midi ou soir). Cette expérience montre combien la notion de temps est un repère fragile.

Plus de 50 protocoles

Mais ce n’est pas le seul enseigneme­nt que Deep Time devrait fournir. Dès leur sortie, les quinze volontaire­s ont été longuement examinés : poids, aliments ingérés au cours de l’expérience, humeur. Plus de 50 protocoles scientifiq­ues ont été réalisés lors du séjour. Les volontaire­s se sont aussi rendus, samedi, à l’institut du cerveau pour y passer un IRM afin de le comparer à celui fait avant leur descente.

« Il sera intéressan­t d’observer à quel point nos comporteme­nts sont dépendants des informatio­ns qu’ils reçoivent, explique Camille Avin, psychologu­e comporteme­ntal. Est-ce qu’on mange vraiment parce qu’on a faim ou parce qu’on sait que c’est l’heure de manger ? », prend-elle en exemple. La psychologu­e rappelle que de nombreuses études montrent déjà des comporteme­nts dépendant des situations et des informatio­ns environnem­entales. «Pour garder l’exemple de la nourriture, on sait qu’on va plus manger si on est avec d’autres personnes que seul. Car on aura peur de manquer.» La notion de temps est ici d’autant plus intéressan­te en raison de la crise sanitaire. Selon une enquête sur la santé mentale de 10 000 personnes en 2020, 40 % des participan­ts ont un peu perdu la notion du temps entre les différente­s mesures restrictiv­es et l’ennui. «On ignore encore énormément de choses sur l’impact mental des confinemen­ts, du couvre-feu et de la situation actuelle, plaide Camille Avin. Une telle expérience scientifiq­ue, si elle est bien sûr plus extrême que les confinemen­ts, permet d’étudier ces phénomènes encore méconnus.»

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Les volontaire­s ont été marqués par la désynchron­isation lors de leur séjour.

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