Mal de mère
Les protocoles sanitaires stricts, l’éloignement des proches et l’accompagnement réduit renforcent le sentiment de solitude des jeunes mamans.
«Mes amis n’ont toujours pas rencontré mon fils, qui va avoir 6 mois. »
Nelly
Mère, l’un des plus beaux rôles d’une vie de femme. Peut-être l’un des plus difficiles aussi. Mais comment gérer ses angoisses liées à la parentalité nouvelle quand s’y ajoutent les peurs associées à la crise sanitaire ? « A ma sortie de la maternité, une paire de bras supplémentaires m’aurait bien aidée», témoigne Nelly. Quand on a un nourrisson, les coups de main des proches sont les bienvenus. Sauf que, avec les restrictions de déplacement et des proches qui habitent parfois à plusieurs centaines de kilomètres, le cercle sur lequel on peut habituellement compter est absent au moment où l’on en a le plus besoin. «A notre retour à la maison, nous n’avons vu personne pendant un mois, se souvient Christel. Ma tante qui devait venir nous aider n’est pas venue à cause du Covid-19. A part mon mari et moi, personne n’a pris mon fils dans ses bras jusqu’à ses 3 mois. » A cause de la pandémie, «il n’y a pas eu de visites, donc pas d’aide ni de conseils des proches, souligne Myriam Szejer, pédopsychiatre, psychanalyste et présidente de l’association La Cause des bébés. Certaines PMI [service de protection maternelle et infantile] et professionnels de la périnatalité ont même arrêté de venir à domicile en raison des protocoles sanitaires et, au tout début, du manque de matériel de protection. Cela a nettement accentué la solitude des mères. »
Alors que « la maternité et le post-partum les fragilisent déjà, le contexte accroît leurs angoisses et leurs besoins, complète Audrey Ndjave-sulpizi, infirmière clinicienne en périnatalité, qui a créé Happy Mum & Baby, un centre périnatal virtuel. Avec les recommandations sanitaires qui changent souvent, le climat anxiogène et la peur du virus, il y a un boom des demandes de consultations, d’aide à la mise en place de l’allaitement ou d’accompagnement sur le sommeil des bébés. Les parents, en particulier les mères, ont davantage besoin d’être accompagnés par des professionnels de la périnatalité.»
« Mes amis et une partie de ma famille n’ont toujours pas rencontré mon fils, qui va bientôt avoir 6 mois, témoigne
Nelly. On ne peut pas partager son arrivée, la pandémie nous vole tout ça.» Pour ces mères, «l’isolement freine l’épanouissement global : être privée du partage, des souvenirs, est source de tristesse, de colère et de frustration, analyse Audrey Ndjave-sulpizi. Et face au risque de dépression du post-partum, il ne faut pas souffrir en silence. Etre maman est un bouleversement physiologique, physique et psychique : c’est un raz de marée. Or, si on est accompagnée, on comprend mieux ce que l’on traverse, et on passe plus facilement ce cap.»