« Le mot tzigane dérange »
Le directeur qui a donné son nom au cirque reçoit la Légion d’honneur
Il est l’un des premiers tziganes à recevoir la plus haute distinction française. Alexandre Romanès, le directeur du cirque du même nom*, installé depuis un an dans le 16e, reçoit ce mercredi la Légion d’honneur de la part de la ministre de la Culture, Audrey Azoulay. Le musicien, auteur de livres et amateur de proverbes a répondu aux questions de 20 Minutes.
Vous êtes l’un des premiers tziganes à recevoir la Légion d’honneur. Comment accueillez-vous cette distinction ?
Je n’ai rien demandé et je n’en voulais pas. Cet été, un gars du ministère de la Culture est passé au cirque et, en partant, il m’a dit : “Je vais demander la Légion d’honneur pour vous.”» J’ai cru à de l’humour. Mais la demande était bien réelle. Ça aurait été grossier de refuser et tout le monde me répétait que je serai le premier gitan à la recevoir. Mais, comme le compositeur Erik Satie, qui se servait de cette distinction pour touiller son café, je dirais qu’il ne suffit pas de refuser la Légion d’honneur, encore faut-il ne pas la mériter. Ça fait surtout plaisir à ma tribu, d’autant que je ne bois pas de café.
A travers votre nouveau spectacle et votre nouveau livre, qui sort ce mercredi, quelles valeurs voulez-vous mettre en avant ?
Le partage, la fraternité, la convivialité à travers la musique, la danse, la peinture, le théâtre et la littérature. Dans la langue tzigane, le mot lendemain n’existe pas. Ce qui compte, c’est le moment présent et la personne qui est devant vous. Ce spectacle est une invitation à l’autre. Pourtant, nous n’avons rencontré personne du quartier. Mon livre s’intitule Les corbeaux sont les Gitans du ciel. Le corbeau est un animal très intelligent, mais il fait peur. Ça résume bien la situation.
Vous avez été victime d’insultes, de dégradations, des riverains vous ont soupçonné de « manger les chats du quartier ». Cette distinction est-elle une revanche ?
Le mot tzigane dérange. Ici, il y a eu un théâtre de marionnettes, puis des cirques avec des animaux, sans créer aucun souci. Nous arrivons et les problèmes commencent. C’est injuste. Mais cette distinction n’est pas une revanche et ça ne fera rien avancer dans la tête des gens. C’est juste une reconnaissance pour la culture tzigane, qui reste méconnue.
* La troupe, installée square Parodi (16e), joue actuellement son nouveau spectacle, « Si tu ne m’aimes plus, je me jetterai par la fenêtre de la caravane ».