Les beaux jours de la 3D
Les désirs de Wim Wenders sont devenus réalité
C’est un film gonflé, certains diront « gonflant », certes un peu bavard, mais exceptionnel à plus d’un titre. « C’est le premier film dans lequel mes désirs sont devenus réalités, confie Wim Wenders à 20 Minutes, avec sa façon habituelle de dissimuler un réel enthousiasme sous une grosse couche de modestie. Je rêvais depuis longtemps de filmer un couple en 3D. » Les Beaux Jours d’Aranjuez est apparemment très simple, mais si savamment orchestré que tout ce qu’avait imaginé le réalisateur allemand s’est concrétisé à l’écran.
Paradis retrouvé
Un écrivain imagine un dialogue entre un homme et une femme (à moins que l’homme et la femme ne dictent son texte à l’écrivain). Nous sommes au commencement de leur histoire (« ou à la fin », note avec humour Reda Kateb, car même si l’homme interroge la femme sur ses premières expériences sexuelles, ils ont l’air de se connaître), dans un jardin idyllique (entre paradis perdu et paradis retrouvé) sur une colline ensoleillée avec une vue au loin sur un Paris désert, laissant songer qu’on se trouve peut-être en pleine anticipation postapocalyptique. « Pour incarner cet homme qui se dévoile par ses questions, Wim m’a demandé d’être cool, d’être moimême et il a suffi de s’approprier le texte pour que cela se concrétise », raconte Reda Kateb, que le cinéaste a choisi, non pas pour ses rôles violents, mais « parce qu’il a en lui un côté très joueur ». Une « légèreté » idéale pour interpréter ce texte en forme de jeu du chat et de la souris que Peter Handke a dédié à sa femme, Sophie Semin, qui donne la réplique à Reda Kateb. Avec une sensibilité toute personnelle, Wim Wenders dompte la matière du film, l’image et le son. La 3D « en profondeur naturelle », mise au point pour son documentaire sur Pina Bausch en 2011, « s’est allégée et simplifiée », estime le réalisateur. « Les industriels sont en train de signer l’arrêt de mort de la 3D », déplore le cinéaste. Quant au son, il provient d’un authentique juke-box Wurlitzer, « véritable protagoniste du film », pour le cinéaste. Quand ce personnage mécanique s’incarne à la fin sous les traits de Nick Cave, on se dit qu’il fallait oser, mais c’est beau.
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