La quête d’« Une Vie »
Stéphane Brizé a adapté le premier roman de Guy de Maupassant
On verrait bien Judith Chemla remporter un césar pour Une vie, le nouveau film de Stéphane Brizé. Ce portrait de femme inspiré du premier roman de Guy de Maupassant suit la destinée de Jeanne, une noble normande du XIXe siècle. A peine sortie du couvent, la jeune fille va de désillusions en déceptions après un mariage encouragé par ses parents (Yolande Moreau et Jean-Pierre Darroussin, toujours parfaits). L’actrice remarquée dans Camille redouble de Noémie Lvovsky (2012) y est époustouflante dans ce rôle exigeant. Après avoir décrit les épreuves d’un homme broyé par la société actuelle dans La Loi du marché (2015), ce sont celles d’une épouse et d’une mère du passé que le cinéaste fait partager. Le réalisateur a mis dix-sept ans à monter ce projet qu’il a confié Judith Chemla après lui avoir fait lire des textes de Maupassant. « Stéphane est incapable de tricher et il ne supporte pas que ses acteurs le fassent. Cela a donc été un tournage éprouvant, car l’être humain n’est sans doute pas fait pour pleurer quotidiennement », explique l’actrice à 20 Minutes. Son personnage n’est pas ménagé par l’existence entre un mari infidèle et un fils inconséquent. Pour autant, Judith Chemla a adoré l’intensité de son travail avec le réalisateur. « On se sent en vie quand on joue quelqu’un comme Jeanne. On a l’impression de mener une existence parallèle, de se réinventer. C’est pour éprouver ce type de sensations que je suis devenue actrice. »
De la condition féminine
La puissance de sa performance transcende l’oeuvre de Maupassant. « Je crois que Stéphane aime davantage l’héroïne que l’écrivain qui l’a inventée, raconte Judith Chemla. Il ne la montre pas comme une victime. » Jeanne garde la tête haute même dans les circonstances les plus douloureuses de ce film dur, réflexion passionnante sur la condition féminine. L’actrice se donne à fond pour faire évoluer son personnage sur une période de vingt-sept ans. « Stéphane est à la fois brutal et d’une sensibilité délicate. Ces deux aspects contradictoires m’ont portée, se souvient-elle. Devant sa caméra, même manger une soupe devient passionnant. »
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