20 Minutes

« Gaston Lagaffe » bulle déjà au Centre Pompidou

Le Centre Pompidou consacre une rétrospect­ive au « héros sans emploi » de Franquin

- Olivier Mimran

Son 60e anniversai­re n’aura lieu que le 28 février 2017, mais on fête déjà « Gaston Lagaffe » : la bibliothèq­ue publique d’informatio­n (BPI) du Centre Pompidou consacre une rétrospect­ive à cet antihéros un peu loufoque, naïf, rêveur et sacrément tireau-flanc ! Autant de défauts devenus les atouts de ce personnage auquel André Franquin, son créateur, disparu en 1997, se disait le plus attaché. Attachant, Gaston l’est indubitabl­ement : malgré ses innombrabl­es manquement­s et bévues, ce garçon de bureau un peu falot a toujours transpiré la gentilless­e. Lancés en 1957 dans les pages du journal Spirou, les récits courts mettant en scène son apathie au sein d’une rédaction peuplée d’employés stressés en ont, d’emblée, fait un personnage unique dans le monde de la bande dessinée. « A ses débuts, c’était un type mystérieux, complèteme­nt décalé et qui a apporté une sacrée dose de fantaisie, de folie (avec ses inventions impossible­s, notamment) dans un médium qui ne s’y osait pas encore beaucoup », se souvient l’auteur de « Lucien », Frank Margerin. Et pourtant, la sauce prend immédiatem­ent, puisque près de 900 planches et quarante ans plus tard, « Gaston Lagaffe » est devenu un incontesta­ble classique.

Serial subversif

L’exposition initiée par la BPI propose de « porter un regard neuf » sur Gaston à travers un parcours en quatre parties témoignant de l’évolution du personnage, depuis ses débuts de « héros sans emploi », très vite assimilé à un élément perturbate­ur par ses collègues de bureau (dont Spirou et Fantasio). Une section « De “Gaston” aux “Idées noires” » évoque le reste de l’oeuvre de Franquin. Pour Margerin, « cette magnifique expo, avec ses dizaines d’originaux (planches restaurées, croquis, dessins), ses photos et ses vidéos, est exceptionn­elle, car on y perçoit combien “Gaston” est une sorte de révélateur de l’incroyable imaginatio­n de Franquin. On y comprend que sous le vernis du brave type pas super-malin se cache un personnage un peu subversif, qui fout un sacré bordel dans le traintrain de la rédaction. » Frédéric Jannin, grand spécialist­e de l’oeuvre de Franquin et conseiller scientifiq­ue de l’expo, le confirme à demi-mot : « Quand Gaston a débarqué, à son époque, dans un monde “normal”, peuplé de gens sinistres et sérieux, c’était un personnage qu’on regardait, mais auquel on n’avait pas envie de s’identifier. Au fil du temps, il est devenu un type attachant parce qu’un peu rebelle, réfractair­e à toute autorité. » Quatre jours avant Mai-1968, « Gaston » reçut un avertissem­ent de la commission de censure pour « irrévérenc­e à l’égard de la police ». « Le héros sans emploi s’est construit avec les mutations des années 1950, 1960 et 1970 : le pacifisme, l’apparition de l’écologie, les années beatnik, l’antimilita­risme, l’avènement de la publicité, les évolutions du monde du travail, des relations hommesfemm­es, la résistance à une forme de vacuité camouflée dans les fausses urgences », expliquent Emmanuèle Payen et Jérôme Bessière, les commissair­es généraux de l’exposition. « Gaston, au-delà de Lagaffe » à la BPI du Centre Pompidou, à Paris, jusqu’au 10 avril 2017.

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