« Quelques minutes après minuit », un conte mortel
Avec « Quelques minutes après minuit », Juan Antonio Bayona signe une oeuvre singulière
Le héros de Quelques minutes après minuit de Juan Antonio Bayona n’a pas une vie facile entre sa mère atteinte d’une grave maladie (Felicity Jones), sa grand-mère rébarbative (Sigourney Weaver) et les gros durs du collège. Le réalisateur de L’Orphelinat (2007) et The Impossible (2012) porte à l’écran le magnifique livre de Patrick Ness et Jim Kay, édité par Folio Junior, en plaçant un gamin de 12 ans (incarné par le vibrant Lewis MacDougall) au centre de l’action.
Mi-homme, mi-arbre
Le bambin reçoit la visite d’un monstre géant, mi-homme mi-arbre, l’aidant à faire le point sur sa vie dans ces circonstances difficiles. « La fiction rend la réalité supportable et permet de mieux la comprendre », explique le cinéaste à 20 Minutes. On prend fait et cause pour ce héros solitaire qui voit sa mère s’étioler sans pouvoir la secourir. La créature inquiétante est seule à comprendre ses épreuves et n’hésite pas à le secouer pour lui permettre de les surmonter. « Son travail de deuil est d’autant plus douloureux que sa mère n’est pas encore morte, insiste Juan Antonio Bayona. Il va devoir admettre l’une des choses les plus dures au monde : à savoir que le monde n’est pas noir ou blanc, mais tout en nuances. » Liam Neeson prête sa gestuelle (et sa voix en anglais) à cet être sylvestre tantôt inquiétant, tantôt complice. « Nous avons mélangé les techniques, informatiques et prises de vues réelles, pour que la créature prenne réellement corps », précise le réalisateur. Le monstre est l’incarnation de tous les soucis d’un môme que les circonstances contraignent à grandir trop vite. « C’est de ce passage express vers l’âge adulte que parle Quelques minutes avant minuit. Même si je n’ai jamais connu de circonstances aussi dramatiques dans ma vie, je me sens proche de lui parce que j’étais un enfant introverti », précise Juan Antonio Bayona. A la fois mélo, film d’horreur et chronique familiale, cette oeuvre ne rentre vraiment dans aucune case. Ce conte cruel envoûte par sa façon d’évoquer des sujets graves avec un sens rare de la poésie macabre. Il n’est pas inutile de prévoir des mouchoirs en papier avant la séance.