Quartiers libres
Allées et venues de détenus, cellules ouvertes... La prison de Beauvais expérimente un régime assoupli de détention, qui pourrait être étendu.
Le café passe dans une bouteille en plastique surmontée d’un filtre. « J’attends les voisins », sourit Sylvain*. De l’autre côté du couloir, Thierry balaie le pas de sa porte. La scène pourrait paraître banale si elle ne se déroulait pas dans le bâtiment MH3 du centre pénitentiaire de Beauvais (Oise). En ce moment, 177 des 582 détenus de cette prison bénéficient, à titre expérimental, d’un régime de détention assoupli, baptisé « Respect ». L’établissement dispose bien de barbelés et d’épais murs d’enceinte. Mais, ici, les portes des cellules restent ouvertes durant la journée. Les prisonniers ont même leur propre clé. « Avant, j’étais enfermé tout seul 22 heures par jour, explique Sylvain. Maintenant, j’ai le sentiment que la détention passe plus vite. Dès qu’on a un coup de blues, on va voir un “collègue” pour parler. Ça apaise. » Dans la coursive, le surveillant jette un coup d’oeil sur le va-et-vient d’une quarantaine de détenus. Certains jouent à la console. D’autres discutent du repas du midi. « Mais ce n’est pas un centre de vacances non plus ! » corrige Elodie Blondeau, l’officier chargée du bâtiment. Avant d’intégrer le MH3, les détenus s’engagent par contrat à suivre 25 heures d’activités et de formations chaque semaine, participer aux tâches domestiques et indemniser leurs victimes. Sans parler du respect dont le programme tire son nom. Un retard à la formation ? Un lit pas fait ? C’est -1 point. « A -10 points, le détenu est basculé dans un système de détention classique, détaille Elodie Blondeau. Nous pouvons aussi les exclure à tout moment en cas de grave problème. » Jacques veille à ce que cela n’arrive pas. Prisonnier référent du quatrième étage, il baisse le son de la télé pour livrer son sentiment. « Franchement, enlever des points à un mec de 52 ans qui n’a pas fait son lit, c’est infantilisant, tranchet-il. Mais le système est assez positif. Avant, on devait tambouriner durant des heures pour appeler le maton. Aujourd’hui, on sort et on va le voir directement. Ça évite de péter des câbles. » En 2016, selon la direction de l’établissement, le MH3 n’aurait enregistré « que » 80 procédures disciplinaires contre 326 dans les deux autres bâtiments de détention classique. « Là-bas, c’était prise de tête du matin au soir, se souvient Jules, qui était surveillant dans l’un d’eux. Au MH3, on a moins de risques d’être accueilli au couteau. » D’autant que les mesures de sécurité n’ont pas été allégées. En ligne de mire de « Respect » : le jour de la libération. « On lutte contre l’oisiveté, résume Christophe Loy, le directeur du centre pénitentiaire. Ce programme doit permettre aux détenus de se prendre en main pour qu’ils réussissent leur sortie. » Il est encore trop tôt pour savoir s’il a un réel impact sur le taux de récidive. Mais l’administration pénitentiaire y croit. Elle est en train de rédiger un cahier des charges incitant à le généraliser en France. * Tous les prénoms ont été changés.
« Avant, on devait tambouriner durant des heures pour appeler le maton. » Jacques, prisonnier référent