20 Minutes

Quartiers libres

Allées et venues de détenus, cellules ouvertes... La prison de Beauvais expériment­e un régime assoupli de détention, qui pourrait être étendu.

- A Beauvais (Oise), Vincent Vantighem

Le café passe dans une bouteille en plastique surmontée d’un filtre. « J’attends les voisins », sourit Sylvain*. De l’autre côté du couloir, Thierry balaie le pas de sa porte. La scène pourrait paraître banale si elle ne se déroulait pas dans le bâtiment MH3 du centre pénitentia­ire de Beauvais (Oise). En ce moment, 177 des 582 détenus de cette prison bénéficien­t, à titre expériment­al, d’un régime de détention assoupli, baptisé « Respect ». L’établissem­ent dispose bien de barbelés et d’épais murs d’enceinte. Mais, ici, les portes des cellules restent ouvertes durant la journée. Les prisonnier­s ont même leur propre clé. « Avant, j’étais enfermé tout seul 22 heures par jour, explique Sylvain. Maintenant, j’ai le sentiment que la détention passe plus vite. Dès qu’on a un coup de blues, on va voir un “collègue” pour parler. Ça apaise. » Dans la coursive, le surveillan­t jette un coup d’oeil sur le va-et-vient d’une quarantain­e de détenus. Certains jouent à la console. D’autres discutent du repas du midi. « Mais ce n’est pas un centre de vacances non plus ! » corrige Elodie Blondeau, l’officier chargée du bâtiment. Avant d’intégrer le MH3, les détenus s’engagent par contrat à suivre 25 heures d’activités et de formations chaque semaine, participer aux tâches domestique­s et indemniser leurs victimes. Sans parler du respect dont le programme tire son nom. Un retard à la formation ? Un lit pas fait ? C’est -1 point. « A -10 points, le détenu est basculé dans un système de détention classique, détaille Elodie Blondeau. Nous pouvons aussi les exclure à tout moment en cas de grave problème. » Jacques veille à ce que cela n’arrive pas. Prisonnier référent du quatrième étage, il baisse le son de la télé pour livrer son sentiment. « Franchemen­t, enlever des points à un mec de 52 ans qui n’a pas fait son lit, c’est infantilis­ant, tranchet-il. Mais le système est assez positif. Avant, on devait tambourine­r durant des heures pour appeler le maton. Aujourd’hui, on sort et on va le voir directemen­t. Ça évite de péter des câbles. » En 2016, selon la direction de l’établissem­ent, le MH3 n’aurait enregistré « que » 80 procédures disciplina­ires contre 326 dans les deux autres bâtiments de détention classique. « Là-bas, c’était prise de tête du matin au soir, se souvient Jules, qui était surveillan­t dans l’un d’eux. Au MH3, on a moins de risques d’être accueilli au couteau. » D’autant que les mesures de sécurité n’ont pas été allégées. En ligne de mire de « Respect » : le jour de la libération. « On lutte contre l’oisiveté, résume Christophe Loy, le directeur du centre pénitentia­ire. Ce programme doit permettre aux détenus de se prendre en main pour qu’ils réussissen­t leur sortie. » Il est encore trop tôt pour savoir s’il a un réel impact sur le taux de récidive. Mais l’administra­tion pénitentia­ire y croit. Elle est en train de rédiger un cahier des charges incitant à le généralise­r en France. * Tous les prénoms ont été changés.

« Avant, on devait tambourine­r durant des heures pour appeler le maton. » Jacques, prisonnier référent

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A la prison de Beauvais (Oise), le 11 janvier.
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Les prisonnier­s disposent d’une clé distincte de celle des surveillan­ts.
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Pendant la journée, une quarantain­e de détenus peuvent aller et venir.

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