Un long chemin vers le plaisir
L’Institut en santé génésique répare les corps et les esprits des victimes
On estime que plus de 60000 femmes qui ont subi des mutilations sexuelles (suture, excision, scarification...) vivent en France. « Une excision faite sur une enfant qui bouge n’est pas toujours nette, chaque mutilation est donc différente, souligne Frédérique Martz, qui accompagne les victimes depuis des années. Et surtout, chaque femme a sa problématique, son passé, qu’il faut traiter dans son intégralité. » Celles qui sont mutilées sont souvent victimes de viols, de mariages forcés... C’est pourquoi le Dr Pierre Foldès et Frédérique Martz ont souhaité ouvrir l’Institut en santé génésique, à SaintGermain-en-Laye (Yvelines). Un refuge où, depuis trois ans, une prise en charge globale est proposée aux femmes mutilées avec assistantes sociales, juristes, psychologues, généralistes et gynécologues. Et où elles ont une chance de retrouver une intégrité physique et identitaire. En partie grâce au Dr Pierre Foldès, chirurgien inventeur d’une opération qui permet de restaurer le sexe mutilé et qui a déjà aidé 5200 femmes excisées. Mais pas seulement.
Education à la sexualité
Le travail d’épanouissement post-traumatique est effectivement fondamental. « Pour elles, le sexe existe par la douleur et non par le plaisir, synthétise Frédérique Martz. En coupant leur clitoris, on a interrompu l’éducation sexuelle qu’un enfant met en place de façon instinctive. C’est pourquoi il y a tout un travail d’éducation à la sexualité. » De là à atteindre l’orgasme? « Oui, ça marche très bien », se réjouit Pierre Foldès. En effet, une étude sur 866 patientes montrait en 2012 que 85 % des femmes avaient récupéré une sensibilité six mois après l’opération. Ce changement corporel les aide aussi à retrouver une intégrité identitaire. « Elles disent qu’elles veulent être “entières” poursuit Frédérique Martz. D’autant que certaines n’ont aucun souvenir de l’excision, soit parce qu’elles étaient bébés, soit à cause du choc traumatique. C’est souvent après l’opération qu’elles ont des réminiscences. » Des groupes de parole sont ainsi proposés à l’Institut de santé génésique. Pour beaucoup de patientes, c’est une révolution. Car l’excision provoque souvent des tensions au sein des couples, des problèmes de santé (infections urinaires, problèmes lors de l’accouchement...) Frédérique Martz résume ainsi la nouvelle vie de ces femmes « réparées » : « Elles ont certes une cicatrice, mais elles sont comme un “vase scellé”. Il y a clairement un avant et un après. »