20 Minutes

Un long chemin vers le plaisir

L’Institut en santé génésique répare les corps et les esprits des victimes

- Oihana Gabriel

On estime que plus de 60000 femmes qui ont subi des mutilation­s sexuelles (suture, excision, scarificat­ion...) vivent en France. « Une excision faite sur une enfant qui bouge n’est pas toujours nette, chaque mutilation est donc différente, souligne Frédérique Martz, qui accompagne les victimes depuis des années. Et surtout, chaque femme a sa problémati­que, son passé, qu’il faut traiter dans son intégralit­é. » Celles qui sont mutilées sont souvent victimes de viols, de mariages forcés... C’est pourquoi le Dr Pierre Foldès et Frédérique Martz ont souhaité ouvrir l’Institut en santé génésique, à SaintGerma­in-en-Laye (Yvelines). Un refuge où, depuis trois ans, une prise en charge globale est proposée aux femmes mutilées avec assistante­s sociales, juristes, psychologu­es, généralist­es et gynécologu­es. Et où elles ont une chance de retrouver une intégrité physique et identitair­e. En partie grâce au Dr Pierre Foldès, chirurgien inventeur d’une opération qui permet de restaurer le sexe mutilé et qui a déjà aidé 5200 femmes excisées. Mais pas seulement.

Education à la sexualité

Le travail d’épanouisse­ment post-traumatiqu­e est effectivem­ent fondamenta­l. « Pour elles, le sexe existe par la douleur et non par le plaisir, synthétise Frédérique Martz. En coupant leur clitoris, on a interrompu l’éducation sexuelle qu’un enfant met en place de façon instinctiv­e. C’est pourquoi il y a tout un travail d’éducation à la sexualité. » De là à atteindre l’orgasme? « Oui, ça marche très bien », se réjouit Pierre Foldès. En effet, une étude sur 866 patientes montrait en 2012 que 85 % des femmes avaient récupéré une sensibilit­é six mois après l’opération. Ce changement corporel les aide aussi à retrouver une intégrité identitair­e. « Elles disent qu’elles veulent être “entières” poursuit Frédérique Martz. D’autant que certaines n’ont aucun souvenir de l’excision, soit parce qu’elles étaient bébés, soit à cause du choc traumatiqu­e. C’est souvent après l’opération qu’elles ont des réminiscen­ces. » Des groupes de parole sont ainsi proposés à l’Institut de santé génésique. Pour beaucoup de patientes, c’est une révolution. Car l’excision provoque souvent des tensions au sein des couples, des problèmes de santé (infections urinaires, problèmes lors de l’accoucheme­nt...) Frédérique Martz résume ainsi la nouvelle vie de ces femmes « réparées » : « Elles ont certes une cicatrice, mais elles sont comme un “vase scellé”. Il y a clairement un avant et un après. »

 ??  ?? L’acte chirurgica­l ne permet pas à lui seul de réparer les victimes.
L’acte chirurgica­l ne permet pas à lui seul de réparer les victimes.

Newspapers in French

Newspapers from France