Un récif corallien trouble la communauté scientifique
L’Esperanza (« espoir » en espagnol) porte décidément bien son nom. Le bateau de l’ONG Greenpeace a quitté les eaux brésiliennes, dimanche, après trois semaines passées à en scruter les fonds. Et les premières images rapportées confortent l’existence, révélée un an plus tôt dans la revue Science Advances, d’un impressionnant récif corallien à une centaine de kilomètres des côtes brésiliennes. Là même où le fleuve Amazone se jette dans l’Atlantique.
« Nous estimions qu’il fallait une eau transparente pour que le corail se développe. » Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherches
Cette découverte intrigue la communauté scientifique. « C’est presque une anomalie », lance David Mouillot, chercheur au Centre pour la biodiversité marine, l’exploitation et la conservation (CBM). A l’embouchure de l’Amazone, la salinité de l’eau est plus faible qu’ailleurs. Surtout, le fleuve ramène avec lui une quantité de sédiments qui troublent les eaux et empêchent la lumière de passer. « Or, jusqu’à peu, nous estimions qu’il fallait une eau la plus transparente possible et une acidité classique pour que le corail se développe », expose Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherches CNRS au laboratoire d’océanographie de Villefranche-surMer (Alpes-Maritimes). Pourtant, le phénomène a déjà été observé : « Des coraux de qualité ont été découverts dans des eaux troubles et acides au nord de la Nouvelle-Calédonie », rappelle ainsi Laëtitia Hedouin, du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’Environnement (Criobe). Et l’intérêt des récifs coralliens se vérifie à plus d’un titre. Gages de développement économique, car ils attirent les touristes, « ils protègent les côtes de l’érosion, en limitant l’impact des vagues et des tempêtes sur les littoraux. Ils sont aussi de véritables nurseries où se reproduisent et s’abritent les poissons », énumère Jean-Pierre Gattuso. Le massif découvert au large du Brésil est trop profond pour intéresser les plongeurs comme pour arrêter les vagues. Mais il jouerait pleinement son rôle de nurserie. L’ONG Greenpeace appelle toutefois à préserver ce site qu’elle estime menacé par des concessions accordées dans la région à des compagnies pétrolières, dont la française Total.