« J’étais attendue au tournant »
La négociatrice du Raid explique l’intérêt d’être une femme dans un milieu d’hommes
Elles sont deux. Deux sur les 140 membres des équipes opérationnelles du Raid, l’unité d’élite de la Police nationale. Tatiana, elle, travaille depuis quatorze ans au sein de la cellule de négociation. Son rôle ? Entrer en contact avec des forcenés, des preneurs d’otage ou des terroristes pour les pousser à se rendre avant toute action armée. « Je peux être appelée à tout moment », a prévenu la quadragénaire avec l’interview. Aucune femme n’a jamais intégré les équipes d’intervention. Comment expliquez-vous cela ? En théorie, les tests pour entrer au Raid sont ouverts à tous, mais les qualités requises, notamment physiques, sont particulièrement élevées. Et les exercices sont les mêmes pour les hommes et les femmes. C’est normal, les gens en face de nous ne font pas la différence. Il y a également une part d’autocensure. Certaines femmes n’osent pas se présenter alors qu’elles en ont les capacités. Racontez-nous votre intégration... Au début, cela n’a pas été simple. J’ai entendu des remarques machistes du style : « T’es pas la première gonzesse à venir nous casser les couilles. » Lors de ma première intervention, en 2005, j’étais attendue au tournant. Et je suis arrivée sur le pire cas de figure : un homme qui venait de tuer sa femme et qui ne répondait pas au téléphone. Tout s’est fait au porte-voix. Le cauchemar. Mais il s’est rendu. C’est sur le terrain que tout se joue. Il faut gagner la confiance des autres et parfois en faire deux fois plus. Mais c’est vrai dans beaucoup de métiers. Aujourd’hui, quel lien avez-vous avec votre équipe ? Une confiance absolue. C’est un travail de groupe, on sait que nos vies dépendent des uns et des autres. Est-ce un avantage d’être une femme en négociation ? Il ne faut pas entrer dans les poncifs : les femmes n’ont pas plus d’empathie ou de douceur que les hommes. L’avantage d’intégrer des femmes négociatrices, c’est la diversité. En variant les profils, on a la possibilité de choisir la bonne personne au bon moment. Dans certains cas, placer une négociatrice peut créer un effet de surprise. Le rapport de force s’annule et la discussion est plus simple. Les djihadistes acceptent-ils de parler à une femme ? Je suis déjà intervenue sur des cas d’individus radicalisés et cela n’a jamais posé de problème. Ce sont généralement de jeunes Français, avec les mêmes codes que nous. Ils n’ont pas un profond ancrage religieux.