Attention, requins fragiles
Des associations tentent d’encadrer l’observation des squales par les voyageurs
Imaginez-vous aux Bahamas, au fond de l’eau, à tendre des poissons au bout d’une courte tige en fer à une dizaine de requins qui vous tournent autour. Ou au large de l’Afrique du Sud, à regarder un requin blanc butant sur une cage en fer d’où vous l’observez. Ce grand frisson pourrait très bien être au programme de vos prochaines vacances. Ce ne sont en tout cas pas les tour-opérateurs et les clubs de plongée proposant ces aventures extrêmes qui manquent. « C’est tout sauf ce qu’il faut faire », prévient Bernard Séret, océanographe spécialisé dans l’étude des requins. Ces dernières années, le quotidien des squales, mais aussi des raies, baleines et autres espèces marines sauvages, est perturbé par un tourisme en plein essor qui promet aux vacanciers de les approcher toujours de plus près. « Ce tourisme génère des centaines de millions de dollars chaque année, note Project Aware, en introduction du « Guide de bonnes pratiques pour observer les requins et les raies », que l’ONG a sorti vendredi dernier, en partenariat avec The Manta Trust et WWF.
Des vides juridiques
Ce guide s’ajoute à la Charte internationale pour l’écotourisme requin responsable, rédigée en début d’année par Bernard Séret et le plongeur Steven Surina, autre amoureux des squales. Les deux publications veulent poser un cadre éthique à une pratique encore peu réglementée. Des pays tentent bien de mettre fin à ces dérives des clubs de plongée. En Australie par exemple, où les requinsbaleines avaient fini par déserter certaines zones à force d’être dérangés par des plongeurs intrusifs. Mais il reste des vides juridiques. « Les Bahamas, illustre Bernard Séret. Là-bas, on en vient à faire du cirque pour satisfaire une clientèle à fort pouvoir d’achat et peu patiente. Les requins sont nourris pour forcer les rencontres et le guide se mêle à eux pour faire des numéros. » La pratique n’a pas que des inconvénients. « Bien faites, ces observations sensibilisent les touristes au sort de ces animaux, victimes de pêche intensive », précise Denis Ody responsable du pôle océans et côtes à WWF. Pour Bernard Séret, le rétablissement de l’équilibre passe par la responsabilisation des clubs de plongée. Sa charte appelle entre autres à limiter le nombre de plongeurs sur site, l’usage des flashs ou à ne jamais approcher les requins à moins de deux mètres. Depuis janvier, onze clubs l’ont signée et six devraient le faire bientôt.