La parole doit faire ses preuves
Sept jeunes ont été acquittés, l’absence de consentement de la victime n’ayant pas été établie
Ala surprise générale, la cour d’assises des mineurs des Hauts-de-Seine a décidé, le 17 mars, d’acquitter sept jeunes d’Antony suspectés du viol d’une jeune fille en 2011. La cour a souligné les incohérences de la victime et estimé que les accusés ne lui avaient pas « imposé par la violence, contrainte, menace ou surprise » des rapports sexuels. Alors que le parquet général a décidé de faire appel, l’affaire met en lumière la difficulté d’établir l’absence de consentement dans les affaires de viol, qui, avec la preuve qu’il y a eu pénétration, permet de caractériser le crime. Mais comment faire lorsque le ou les accusés nient les faits, en l’absence de témoins ou de traces de violence? « On s’intéresse au contexte autour de l’affaire et au profil du mis en cause. Si on trouve du GHB [appelé aussi la drogue du violeur] dans le sang de la victime ou que l’agresseur présumé est déjà connu, cela peut faciliter l’enquête », explique Benjamin Blanchet, de l’Union syndicale de la magistrature (USM). Lorsque les victimes ne portent pas plainte des mois, voire des années, après leur agression et que des traces d’ADN peuvent donc être prélevées, encore faut-il prouver que le rapport n’était pas consenti.
Majorité sexuelle
« Certaines victimes ont consommé de l’alcool et ne se souviennent plus de ce qu’il s’est passé », relève Véronique Le Goaziou, sociologue de la délinquance. Lorsqu’elles ne souffrent pas de troubles psychologiques qui les empêchent d’établir un récit cohérent. Pour les associations de défense des victimes, ces trous de mémoire sont justement l’un des symptômes du viol, un mécanisme de défense pour surmonter un traumatisme. Mais toujours la même question : comment le prouver ? En théorie, la justice estime qu’un individu qui n’a pas atteint la majorité sexuelle ne peut être déclaré consentant. Dans l’affaire d’Antony, la jeune fille était mineure au moment des faits. Tout comme l’étaient ses agresseurs… Mais dans le cas où ce flou a été dissipé et que les faits sont caractérisés, les viols ne sont pourtant pas systématiquement jugés en tant que tel. « Le juge, en accord avec les victimes, peut requalifier les faits en agression sexuelle [il s’agit dès lors d’un délit qui sera jugé en correctionnelle] », précise Benjamin Blanchet. Pour les victimes, la procédure est plus rapide, le procès moins éprouvant. Pour la justice, elle représente des économies. Un argument qui ne justifie à lui seul ce choix. « Parfois, le ministère public estime qu’il a plus de chances d’obtenir une condamnation lourde en correctionnelle, car l’agression sexuelle est plus qualifiée que le viol », poursuit Benjamin Blanchet. Et plus de chances d’éviter un acquittement général.