20 Minutes

La parole doit faire ses preuves

Sept jeunes ont été acquittés, l’absence de consenteme­nt de la victime n’ayant pas été établie

- Caroline Politi

Ala surprise générale, la cour d’assises des mineurs des Hauts-de-Seine a décidé, le 17 mars, d’acquitter sept jeunes d’Antony suspectés du viol d’une jeune fille en 2011. La cour a souligné les incohérenc­es de la victime et estimé que les accusés ne lui avaient pas « imposé par la violence, contrainte, menace ou surprise » des rapports sexuels. Alors que le parquet général a décidé de faire appel, l’affaire met en lumière la difficulté d’établir l’absence de consenteme­nt dans les affaires de viol, qui, avec la preuve qu’il y a eu pénétratio­n, permet de caractéris­er le crime. Mais comment faire lorsque le ou les accusés nient les faits, en l’absence de témoins ou de traces de violence? « On s’intéresse au contexte autour de l’affaire et au profil du mis en cause. Si on trouve du GHB [appelé aussi la drogue du violeur] dans le sang de la victime ou que l’agresseur présumé est déjà connu, cela peut faciliter l’enquête », explique Benjamin Blanchet, de l’Union syndicale de la magistratu­re (USM). Lorsque les victimes ne portent pas plainte des mois, voire des années, après leur agression et que des traces d’ADN peuvent donc être prélevées, encore faut-il prouver que le rapport n’était pas consenti.

Majorité sexuelle

« Certaines victimes ont consommé de l’alcool et ne se souviennen­t plus de ce qu’il s’est passé », relève Véronique Le Goaziou, sociologue de la délinquanc­e. Lorsqu’elles ne souffrent pas de troubles psychologi­ques qui les empêchent d’établir un récit cohérent. Pour les associatio­ns de défense des victimes, ces trous de mémoire sont justement l’un des symptômes du viol, un mécanisme de défense pour surmonter un traumatism­e. Mais toujours la même question : comment le prouver ? En théorie, la justice estime qu’un individu qui n’a pas atteint la majorité sexuelle ne peut être déclaré consentant. Dans l’affaire d’Antony, la jeune fille était mineure au moment des faits. Tout comme l’étaient ses agresseurs… Mais dans le cas où ce flou a été dissipé et que les faits sont caractéris­és, les viols ne sont pourtant pas systématiq­uement jugés en tant que tel. « Le juge, en accord avec les victimes, peut requalifie­r les faits en agression sexuelle [il s’agit dès lors d’un délit qui sera jugé en correction­nelle] », précise Benjamin Blanchet. Pour les victimes, la procédure est plus rapide, le procès moins éprouvant. Pour la justice, elle représente des économies. Un argument qui ne justifie à lui seul ce choix. « Parfois, le ministère public estime qu’il a plus de chances d’obtenir une condamnati­on lourde en correction­nelle, car l’agression sexuelle est plus qualifiée que le viol », poursuit Benjamin Blanchet. Et plus de chances d’éviter un acquitteme­nt général.

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Une marche contre le dénigremen­t du viol, en octobre 2012 à Bordeaux.

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