20 Minutes

Putain de Web

Le site Vivastreet, où les petites annonces de prostituée­s se sont multipliée­s, fait l’objet d’une enquête préliminai­re pour « proxénétis­me aggravé ».

- Vincent Vantighem

Les annonces évoquent des « massages », des « moments de relaxation » ou des « rencontres courtoises ». Mais un coup de fil suffit à lever le doute. « C’est 120 € la demiheure, 180 l’heure. Je propose l’amour avec pénétratio­n vaginale. Pas de sodo [sodomie] », indique de but en blanc Katia*, qui « reçoit » à Paris. Selon nos informatio­ns, le site de petites annonces Vivastreet fait l’objet d’une enquête préliminai­re pour proxénétis­me aggravé ouverte par le parquet de Paris. Confiée le 15 février à l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH), elle fait suite à une plainte déposée, le 1er décembre, par le mouvement du Nid, qui milite pour l’abolition de la prostituti­on. « Depuis l’entrée en vigueur de la loi pénalisant les clients de prostituée­s il y a un an, on s’est aperçu que le phénomène se déplaçait de la rue vers les sites d’annonces tels que Vivastreet, justifie Lorraine Questiaux, déléguée du Nid pour l’Ile-de-France. Ce ne sont pas les mêmes réseaux. Mais le problème est identique. Tout cela est d’une grande hypocrisie. » Revendiqua­nt 10 millions de visiteurs par mois rien qu’en France, Vivastreet interdit, dans ses conditions d’utilisatio­n, les annonces proposant noir sur blanc « d’échanger des relations sexuelles contre rémunérati­on ». Mais deux simples clics suffisent à faire défiler, photos suggestive­s à l’appui, des propositio­ns dont l’ambiguïté ne dupe personne. Le premier pour sélectionn­er « Services Adultes ». Le second pour la région souhaitée. « C’est un bon système, défend Angélique*, qui se prostitue chez elle en raison de problèmes financiers récents. Dans la rue, j’aurais peur. Mais là, mon numéro est sous l’annonce. On me contacte par téléphone, j’indique les tarifs, les prestation­s et on prend rendez-vous. Je regarde par la fenêtre quand le client arrive. Si ça ne me convient pas, je n’ouvre pas… » Un « système » qui a un prix. Vivastreet se targue d’être un site d’annonces gratuites. A l’exception de la rubrique « Services Adultes » où le dépôt est, là, facturé 80 € par mois. « Il y a tellement de concurrenc­e entre les filles et donc d’annonces qu’il faut payer des options, sinon la photo n’est pas “mise en avant” sur le site, témoigne Céline*. Au total, cela me coûte 239 € par semaine. Vivastreet s’engraisse sur mon activité. Mais, sans ça, je serais dans la merde… » Proposant des rendez-vous dans un hôtel de Seine-etMarne depuis quatre ans, cette mère de famille refuse d’indiquer combien elle gagne en vendant son corps. Angélique, elle, estime ses revenus à 3000 € par semaine par le biais du site d’annonces.

Faire fermer le site

Avocate de Vivastreet, Anne Alcaraz dément, pourtant, toute volonté délibérée de la part de son client d’encourager la prostituti­on. « Il y a un système de modération automatiqu­e des annonces, explique-t-elle. Si l’annonce correspond à la réglementa­tion, elle passe. Ensuite, Vivastreet dispose d’une équipe spécialisé­e. Si une annonce est signalée [par un internaute] parce qu’elle contrevien­t à la réglementa­tion, l’équipe la supprime immédiatem­ent. » « Accompagne­ment », « domination »… Les « Services Adultes » proposés dans la plupart des 8000 annonces recensées par 20 Minutes en avril se contentent donc de suggérer les choses. Un texto les rend immédiatem­ent explicites. « Le but est de faire fermer ce site, mais pas seulement, réagit Joachim Bokobza, l’un des avocats du Nid. Pour éviter de donner des idées à d’autres, nous espérons aussi que les responsabl­es de Vivastreet soient amenés à répondre de leurs actes. » Parmi eux, Yannick Pons, le fondateur du site. Classé parmi les 500 plus grosses fortunes de France en 2013, ce self-made-man a domicilié son groupe dans le paradis fiscal de Jersey et vivrait aux Etats-Unis. Rien d’incompatib­le, a priori, avec une convocatio­n par la justice. De source proche du dossier, on indique en effet que « l’enquête avance bien » et que « les premières auditions pourraient intervenir prochainem­ent ». * Les prénoms ont été changés.

Les annonces se contentent de suggérer les choses. Un seul texto les rend explicites.

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La loi pénalisant les clients des prostituée­s a fait se déplacer le phénomène sur les sites d’annonces, dénonce Le Nid.

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