En terrain miné
Attaques, violences... les footballeurs sont au coeur de la tourmente en ce moment. C’est dans ce contexte pesant que les joueurs de Monaco tenteront d’accéder au dernier carré de la Ligue des champions (20h45).
Ce sont des propos que l’on pourrait croire sortis de la bouche d’un militaire de retour d’une zone de guerre : « J’ai du mal à dormir. Dans mon subconscient, je tremble et je me réveille en sursaut. Dès que je ferme les yeux, je revois la scène. » Dans le journal Der Bund, Roman Bürki, le gardien de but de Dortmund, est revenu sur ce qu’il traverse depuis le 11 avril, les explosions qui ont touché le bus de son équipe avant le match de Ligue des champions contre Monaco. Les joueurs de l’OL, témoins de la bêtise de supporters turcs et lyonnais, jeudi, et victimes des coups de quelques Bastiais, pourraient aussi témoigner. Cela fait beaucoup. A tel point que l’on se demande même si jouer au football ne deviendrait pas un métier à risque. « J’en connais qui ont peur », admet l’agent de joueurs Frédéric Guerra. « Les événements se sont précipités ces derniers temps. Ces histoires reflètent la société d’aujourd’hui, estime le psychologue du sport, Jean-Paul Labedade. Le footballeur, par son statut, son salaire, est une cible prioritaire pour les envieux et les gens mal intentionnés. »
Un travail de prévention
Problème, le joueur n’est pas du tout prêt à ça. « Il n’est même pas préparé à être un homme, au sens général du terme. Alors, à la gestion de chocs traumatiques… », abonde le psychologue. « C’est un peu fait dans les clubs, et dans les vestiaires aussi. Entre eux, ils en parlent », nuance Guerra. Il y a clairement matière à intervenir. Et dès le plus jeune âge. « Prévenir, ce n’est pas possible car les menaces prennent des formes différentes. Mais les avertir, les faire réfléchir à l’image qu’ils renvoient, ce serait déjà ça », précise Jean-Paul Labedade, qui prépare un module « gestion des risques » pour les responsables des centres de formation. Olivier Bijotat, le directeur adjoint du centre de formation de Valenciennes, se dit d’ailleurs « tout à fait » d’accord pour être aidé dans cette sensibilisation. Un entraîneur est forcément psychologue par nature, mais c’est un domaine qu’il ne peut maîtriser. « Des experts peuvent nous apporter des éléments supplémentaires de réflexion, assuret-il. Vous devez suivre l’évolution de la société. » Ça n’empêchera pas d’être choqué par une charge explosive visant son bus. Mais être préparé aide à évacuer. « Pour qu’un joueur évolue à son meilleur niveau, son esprit doit être libéré de toute angoisse, reprend Bijotat. Notre milieu n’est pas épargné, on a un devoir d’alerte. »