L’incohérence à la barre
Un gérant des Restos du coeur est jugé pour avoir inventé son agression
Richard S. l’assure, il a « bonne mémoire ». Et n’a rien oublié de ce 1er juillet 2016 au cours duquel il aurait été agressé dans le local des Restos du coeur de Montreuil (SeineSaint-Denis), dont il était à l’époque le gérant. Pourtant, jeudi, c’est bien lui qui était poursuivi devant le tribunal de Bobigny pour dénonciation de crime ou délit imaginaire. Le 1er juillet, les pompiers l’ont bien retrouvé un couteau « à steak » dans l’abdomen. Richard S. explique avoir été agressé par un homme de type africain et une femme dont le voile ne laissait apparaître que les yeux. Le premier aurait d’abord brandi une hache en criant « Allah Akbar, chien d’infidèle ». Mais le quinquagénaire parvient à « lui envoyer un coup de genou dans les parties, ça l’a bien calmé ». Sa compagne lui inflige alors à l’aide d’un couteau trois plaies, qui se révéleront finalement moins graves que le diagnostic initial. Puis le couple prend la fuite. Plusieurs incohérences jalonnent ce récit. Comment Richard S., déclaré invalide à 79 % depuis un accident de voiture, a-t-il pu faire face à des « personnes lourdement armées et déterminées? » s’étonne la procureure. Pourquoi la hache ne comporte-t-elle qu’une seule trace d’ADN, en l’occurence celle de sa femme ? Et si cet outil avait été dérobé bien avant l’agression, comme l’avance le mis en cause, pourquoi n’en a-t-il jamais parlé aux enquêteurs? « Ils ne m’ont pas demandé », lâche Richard S. « Malheureusement, ça s’est passé comme cela », répète-t-il, toujours souriant. Quant à son agression, il la justifie par le fait qu’il a « essayé d’assainir le quartier des voyous. Ce ne sont pas des terroristes qui m’ont attaqué, mais des gens du quartier. »
Aucune preuve apportée
Malgré une enquête confiée à la section antiterroriste de la brigade criminelle, « aucun élément de votre déclaration n’a pu être vérifié », note la procureure. Pourtant, les experts sont formels : Richard S. n’a « aucune idée délirante ni idée hallucinatoire ». Il a même présenté des signes de stress post-traumatique. « Peut-être avez-vous cru à vos mensonges, ou alors vous avez trompé les experts ? » avance la procureure, qui a requis la peine maximale, six mois de prison. « Manquer de respect aux réelles victimes, c’est leur voler leur histoire et leurs souffrances », cingle-t-elle. Jugement le 15 juin.