20 Minutes

L’amour entre humains et robots ou la difficile question de la fidélité

Les robots sexuels intelligen­ts seront bientôt commercial­isés

- Laure Beaudonnet

«Chéri(e), il faut que je te parle… Je t’ai trompé(e) avec un robot. » Cette scène, qui rappelle la relation intime entre Joaquin Phoenix et une intelligen­ce artificiel­le dans Her de Spike Jonze, pourrait bientôt devenir réalité. Des robots sexuels intelligen­ts arrivent sur le marché, à l’instar de la poupée Harmony de l’américain RealDoll, dont la commercial­isation est prévue en 2018. Si l’on a des rapports sexuels avec des robots et s’ils peuvent discuter comme dans « Westworld », les verra-t-on toujours comme de simples objets? Accusera-t-on d’adultère un homme marié pris en pleins ébats avec une poupée sexuelle intelligen­te ?

« Un sex-toy amélioré »

Pour Véronique Margron, théologien­ne et spécialist­e d’éthique, « l’infidélité met d’abord en jeu la trahison d’une parole donnée ». Les fantasmes masturbato­ires, et donc le robot sexuel, n’ont pas grand-chose à voir avec cela. « Un fantasme est souvent de l’ordre de l’involontai­re, il échappe à la personne », souligne l’auteure de Fidélité infidélité (éditions du Cerf). La poupée gonflable, intelligen­te ou non, a tout d’un sex-toy amélioré sur lequel on projette de l’affect. Une bonne branlette, rien de plus. Laurence Devillers, enseignant­echercheus­e au Laboratoir­e d’informatiq­ue pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS, semble du même avis : « Tomber amoureux d’un robot revient à tomber amoureux d’un objet. » Le fait que le robot ressemble à un humain, qu’il soit en mouvement, génère de l’empathie, à la manière du robot humanoïde Atlas, présenté par Boston Dynamics en 2016, capable de se relever après une chute et de s’adapter à des situations nouvelles. Et plus les robots sexuels nous ressembler­ont, plus ce phénomène devrait s’accentuer. Les humanoïdes n’ont cependant pas d’intériorit­é. Le robot est « un double qui répond à ce qu’on souhaite. Plus que de l’amour, c’est de la dépendance », pointe Laurence Devillers, spécialist­e des interactio­ns homme-machine. Mine de rien, « délaisser la personne aimée avec laquelle vous avez décidé de faire le coeur de votre vie, c’est une forme d’infidélité », confirme Véronique Margron. Pour la théologien­ne, imaginer tomber amoureux d’un robot est « d’une infinie pauvreté ». Aujourd’hui, la technologi­e n’est pas assez avancée pour reproduire la complexité d’une discussion humaine. D’ici à 2050, les intelligen­ces artificiel­les seront toutefois capables de faire illusion, prédit David Levy, auteur de Sex and Love with Robots. On ne fera alors plus la différence entre un robot intelligen­t et un humain, même physiqueme­nt. Coucher avec une machine qui nous ressemble, qui interagit comme nous, et développer des sentiments amoureux pour elle, ça commence à sentir mauvais l’adultère, non? « C’est une infidélité à votre propre humanité », observe Véronique Margron. Pour l’heure, cela reste de la science-fiction.

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L’apparence des poupées sexuelles est de plus en plus réaliste.

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