De drôles d’oiseaux de nuit
Des députés livrent de savoureux souvenirs de leurs séances nocturnes à l’Assemblée
Il est presque 6 h, les visages des députés sont éteints. Christian Jacob, chef de file de la droite, demande une suspension de séance, après une nuit entière de débats : « On vient de me communiquer une information importante… Les pains au chocolat sont arrivés ! » En 2013, la loi sur le mariage pour tous oblige les parlementaires à passer plusieurs nuits blanches au PalaisBourbon. Elu dès 1986, Bernard Debré en a enchaîné un bon nombre. « En journée, l’Assemblée est un théâtre, avec les excès que l’on voit à la télé. » Mais quand la nuit tombe, les excès disparaissent. « Il y a des fous rires, quand des gens à peine réveillés se demandent quel texte est en discussion, poursuit l’ex-député UMP. On est moins nombreux et l’on devient camarades. » Le député PS Erwann Binet confirme : « La fatigue nous met les uns les autres dans un état de sensibilité plus forte. Le monde dort autour de nous, les masques politiques tombent. On est plus sincères. »
« Certains picolaient fort »
Reste la question de la fatigue, réglée à coups d’expressos et de coca. Mais pas que. En 2013, Le Parisien livrait la recette du Séance de nuit, un breuvage de couleur jaune servi à la buvette de l’Assemblée (rhum, Cointreau et jus de citron frais). Un sacré coup de fouet. « Les serveurs riaient jaune, car certains députés picolaient fort, devenaient exubérants, tristes, voire agressifs », relate Bernard Debré. Après les séances marathon, il est l’heure d’aller dormir. « La majorité des députés disposent d’une possibilité de couchage dans leur bureau, explique le site de l’Assemblée. Les autres peuvent accéder à l’une des chambres de la résidence de l’Assemblée (…) ou bénéficier d’un remboursement partiel de leurs nuitées d’hôtel à Paris. » « Le matelas du clic-clac n’est pas dingue (…), mais ça va, je n’ai pas encore de problème de dos », relève Ugo Bernalicis, député La France insoumise. Toutefois, le député ne peut dormir que d’un oeil, « réveillé par l’administrateur du groupe pour passer certains amendements », témoigne Bernard Debré. Pour des raisons financières, une loi votée en 2014 clôt les séances à une heure du matin, sauf « pour achever une discussion en cours ». Mais la magie nocturne n’a pas totalement disparu. « Cet été, il y a eu une sorte de gardenparty, raconte Ugo Bernalicis. Des députés LREM ont chanté. J’étais surpris de voir qu’ils connaissaient L’Internationale et La Jeune Garde par coeur. »
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