Le citoyen ne fait pas sa loi
Un documentaire milite pour une participation accrue
«On s’est dit qu’on allait essayer de changer les règles. » En juin 2015, Alexandre Lumbroso et Jonathan Attias lancent une pétition pour préserver les semences traditionnelles et permettre aux agriculteurs de s’échanger librement ces graines. « Nous avons obtenu plus de 75 000 signatures, raconte le premier. Face à ce succès, nous nous retrouvions liés à notre promesse. »
Pétition sans effet
Les deux militants espèrent faire entendre la voix des signataires et changer la loi. Ils déposent alors la pétition auprès du ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll. C’est la douche froide. « Une pétition peut être un outil pour obtenir une influence médiatique, mais il n’y a en France aucun mécanisme entraînant automatiquement une prise en compte des pouvoirs publics », précise Alexandre Lumbroso. Avec Jonathan Attias, il a réalisé Des Clics de Conscience, documentaire qui retrace leur aventure et qui sort ce mercredi. « Avec la Révolution française, le droit de pétition devient un mécanisme politique majeur permettant aux citoyens d’être entendus à l’Assemblée. S’il a survécu, il n’a aujourd’hui plus aucun effet politique », confirme Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques à Paris-I et spécialiste des phénomènes participatifs. Ainsi, entre 2007 et 2012, 36 pétitions ont été examinées, et 36 ont été classées, sans faire l’objet d’un débat. Pas découragés, Alexandre Lumbroso et Jonathan Attias font appel à Joël Labbé, sénateur écolo qui, pour sa loi d’interdiction des pesticides dans les communes en 2013, avait utilisé la plateforme Parlement et Citoyens. Cette dernière permet à un parlementaire d’ouvrir un texte à la construction avec les citoyens. Les trois hommes écrivent deux amendements sur la biodiversité. Un seul sera finalement retenu lors du vote final à l’Assemblée. « Il serait temps que l’on mette en place un droit d’amendement citoyen, estime Joël Labbé. Cela permettrait à un texte, signé par un nombre important de personnes, d’être débattu au Parlement. » Fin septembre, le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, a évoqué le sujet en présentant sa réforme du Parlement. Le groupe de travail « démocratie numérique et participation citoyenne » doit rendre en décembre ses premières pistes.