Dans ma rue, il y a un frigo partagé
Des commerçants se mobilisent pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Rue Ramey, dans le 18e arrondissement de Paris. On croise des petites épiceries, des restaurants, des boutiques de prêt-à-porter et, sur le trottoir, un frigo. Mais pas n'importe lequel. Depuis juin, chacun est invité à déposer ou à récupérer à manger dans cette machine à solidarité. Géré par le restaurant La Cantine du 18, il est accessible de 10 h jusqu'à la fermeture du restaurant. Mi-novembre, ce premier frigo solidaire parisien aura un petit frère dans le 12e arrondissement, du côté de la rue Daumesnil, devant le magasin bio Les Nouveaux Robinson. « Ils se retrouvent avec 100 kg d'invendus en moyenne par semaine, explique Attika Trabelsi, coordinatrice de projet chez Cap ou pas Cap?, promoteur d'alternatives citoyennes. Après avoir donné aux associations, il leur reste encore 30 kg sur les bras. » Dounia, gérante de La Cantine du 18, ne cache pas son enthousiasme. « Ici ça cartonne ! Souvent, on remplit le frigo avec les invendus du restaurant et, en trente minutes, il est dévalisé. » Parmi ceux qui ont pris l'habitude d'ouvrir la porte du réfrigérateur, des sans-abri, des retraités et des jeunes. « Pour un public dans le besoin, cette initiative peut vraiment être vitale et venir en complément des autres actions anti-gaspillage comme ce que fait Too Good To Go [application qui lutte contre le gaspillage alimentaire] », estime Flore Berlingen, directrice de l'association Zero Waste France, spécialiste de la question du zéro déchet.
Rien sans les commerçants
Pourtant, l'initiative ne fait pas encore l'unanimité chez les commerçants. « Il y a plein de restaurateurs qui ont peur des clauses sanitaires », précise Flore Berlingen. Le frigo ne peut pas accueillir d'alcool, de viande, de poisson ni de produits déjà entamés. Mais aucune loi n'indique précisément s'il doit être sous la responsabilité d'un commerce. « Vu le flou juridique, les associations devraient passer par une structure commerciale pour prendre en charge le frigo, afin que ça ne devienne pas un dépôt sauvage », conseille Thibault Turchet, juriste de Zero Waste France. Avant Paris, l'expérience a été tentée à Metz et Marseille. Dans la cité phocéenne, à Emmaüs Pointe Rouge, on a débranché le frigo au bout de trois mois. « Il était disposé à l'accueil, se rappelle Zakariae, bénévole. Ça n'a pas marché. Je pense cependant que les frigos qui ont pignon sur rue ont plus de chance d'attirer du monde. » La lutte anti-gaspi ne fait que commencer.