20 Minutes

«Le changement climatique frappe plus la viticultur­e»

Un chercheur s’alarme du manque de diversité des vignes

- Fabrice Pouliquen

Sécheresse, vendanges précoces, raisins plus riches en sucres et donnant donc des vins plus alcoolisés… Déjà affectée par les changement­s climatique­s, la vigne doit trouver des stratégies d’adaptation, comme jouer sur la diversité génétique. Un sujet qui a fait l’objet d’une étude commune, publiée en ce début d’année, de chercheurs de Harvard et de l’Inra. Parmi eux, Iñaki Garcia de Cortazar, agroclimat­ologue au centre Inra Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

La viticultur­e est-elle touchée plus que les autres cultures par le changement climatique ? La vigne est plus touchée que les autres cultures en ce sens que son renouvelle­ment est plus lent. Lorsqu’un vigneron choisit un cépage et le plante, il doit faire avec pendant vingt ans, trente ans même. Il ne faut pas se tromper, et la marge de manoeuvre est d’autant moindre qu’on s’attend à des changement­s climatique­s dans les années à venir. A combien évalue-t-on le nombre de cépages existants dans le monde ? Le Centre de ressources biologique­s de la vigne de Vassal-Montpellie­r recense environ 2 700 cépages issus de 54 pays. A l’échelle mondiale, il y en aurait entre 6 000 et 10 000. Dans le lot, il y a 1 100 variétés de raisin de cuve (destiné à faire du vin) cultivées aujourd’hui. Or, seuls douze cépages occupent environ 45 % des vignobles dans le monde. Quel est le risque de ce manque de diversité ? Dans un contexte d’incertitud­es climatique­s, le risque est de planter un seul cépage qui, dix ans plus tard, se révélera finalement inadapté aux nouvelles conditions météorolog­iques. Dans notre étude, nous ne disons pas qu’il y a aujourd’hui des cépages qui sont plantés au mauvais endroit. Nous affirmons en revanche que nous sous-explorons le potentiel génétique de la vigne. Parmi les 1 100 cépages cultivés, certains sont mieux adaptés aux climats plus chauds et ont donc de meilleurs comporteme­nts face à la sécheresse que les douze cépages les plus utilisés au monde. Il est important de mieux les connaître et de continuer de les expériment­er à travers le monde. Les consommate­urs ont-ils eux aussi un rôle à jouer dans cette diversific­ation ? En construisa­nt un modèle de consommati­on du vin à partir seulement d’une poignée de cépages, on enlève aux consommate­urs la possibilit­é de découvrir de nouvelles saveurs. C’est dommage, on ferme les esprits plutôt que de les ouvrir.

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Douze cépages seulement occupent 45 % des vignobles dans le monde.

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