Petites fraudes, grandes manoeuvres
Le gouvernement souhaite renforcer le contrôle des chômeurs. La fraude qui touche Pôle emploi reste pourtant marginale.
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la réforme de l’assurance-chômage s’annonce comme le premier dossier chaud de 2018. Les partenaires sociaux se réunissent ce jeudi au siège du Medef pour un premier round de négociations sur le sujet. L’un des thèmes abordés sera particulièrement explosif : celui de la question du contrôle des chômeurs. En contrepartie de l’élargissement du droit au chômage pour les salariés démissionnaires et les travailleurs indépendants, Emmanuel Macron souhaite « un contrôle accru de la recherche d’emploi » avec des sanctions « justes et crédibles ». Interrogée la semaine dernière sur Europe 1, la ministre du Travail Muriel Pénicaud avait cité un rapport de Pôle emploi en affirmant qu’il avait détecté « 14 % » de « fraudeurs » sur l’ensemble des personnes contrôlées. Problème : le rapport ne dit pas tout à fait la même chose. Concernant les fameux « 14 % », il s’agit en réalité de la proportion de chômeurs radiés après une série de contrôles.
Radiés, mais pas fraudeurs
Premier constat : près d’un chômeur radié sur trois (36 %) ne touchait aucune allocation : difficile de frauder dans ce cas-là. Ensuite, être radié ne signifie pas automatiquement que l’on est un fraudeur. Enfin, Pôle emploi possède deux équipes bien distinctes, rappelle Cécile Hautefeuille, auteure de La Machine infernale : Racontez-moi Pôle emploi (Ed. du Rocher) : « Les agents chargés de détecter les fraudes sont assermentés, ils n’appartiennent pas aux mêmes services que ceux qui vérifient la recherche de travail des demandeurs d’emploi. » Quel est alors le poids « réel » de la fraude à Pôle emploi ? Pour avoir la réponse, il faut se plonger dans le rapport annuel de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF). Celle aux dépens de Pôle emploi s’élevait à 178,1 millions d’euros en 2016. Un montant qui représente… 0,5 % du total des allocations versées par l’organisme (un peu plus de 33 milliards d’euros). Ce qui n’est rien en comparaison, par exemple, avec la fraude fiscale (19 milliards). De plus, si les montants frauduleux détectés par l’organisme ont progressé rapidement entre 2012 et 2015 (de 20 à 38 % d’augmentation d’année en année), la généralisation des contrôles lancée il y a deux ans n’a pas fait exploser les chiffres : entre 2015 et 2016, la fraude détectée est passée de 169 à 178 millions d’euros, soit une augmentation d’à peine 5 %. Un ralentissement qui pourrait montrer que la lutte contre la fraude à Pôle emploi a atteint un palier. « Les demandeurs d’emploi en ont marre d’être perçus comme des profiteurs de la vie, constate Cécile Hautefeuille. Pour eux, le discours ambiant est difficile à vivre. »