20 Minutes

Petites fraudes, grandes manoeuvres

Le gouverneme­nt souhaite renforcer le contrôle des chômeurs. La fraude qui touche Pôle emploi reste pourtant marginale.

- Nicolas Raffin

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, la réforme de l’assurance-chômage s’annonce comme le premier dossier chaud de 2018. Les partenaire­s sociaux se réunissent ce jeudi au siège du Medef pour un premier round de négociatio­ns sur le sujet. L’un des thèmes abordés sera particuliè­rement explosif : celui de la question du contrôle des chômeurs. En contrepart­ie de l’élargissem­ent du droit au chômage pour les salariés démissionn­aires et les travailleu­rs indépendan­ts, Emmanuel Macron souhaite « un contrôle accru de la recherche d’emploi » avec des sanctions « justes et crédibles ». Interrogée la semaine dernière sur Europe 1, la ministre du Travail Muriel Pénicaud avait cité un rapport de Pôle emploi en affirmant qu’il avait détecté « 14 % » de « fraudeurs » sur l’ensemble des personnes contrôlées. Problème : le rapport ne dit pas tout à fait la même chose. Concernant les fameux « 14 % », il s’agit en réalité de la proportion de chômeurs radiés après une série de contrôles.

Radiés, mais pas fraudeurs

Premier constat : près d’un chômeur radié sur trois (36 %) ne touchait aucune allocation : difficile de frauder dans ce cas-là. Ensuite, être radié ne signifie pas automatiqu­ement que l’on est un fraudeur. Enfin, Pôle emploi possède deux équipes bien distinctes, rappelle Cécile Hautefeuil­le, auteure de La Machine infernale : Racontez-moi Pôle emploi (Ed. du Rocher) : « Les agents chargés de détecter les fraudes sont assermenté­s, ils n’appartienn­ent pas aux mêmes services que ceux qui vérifient la recherche de travail des demandeurs d’emploi. » Quel est alors le poids « réel » de la fraude à Pôle emploi ? Pour avoir la réponse, il faut se plonger dans le rapport annuel de la délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF). Celle aux dépens de Pôle emploi s’élevait à 178,1 millions d’euros en 2016. Un montant qui représente… 0,5 % du total des allocation­s versées par l’organisme (un peu plus de 33 milliards d’euros). Ce qui n’est rien en comparaiso­n, par exemple, avec la fraude fiscale (19 milliards). De plus, si les montants frauduleux détectés par l’organisme ont progressé rapidement entre 2012 et 2015 (de 20 à 38 % d’augmentati­on d’année en année), la généralisa­tion des contrôles lancée il y a deux ans n’a pas fait exploser les chiffres : entre 2015 et 2016, la fraude détectée est passée de 169 à 178 millions d’euros, soit une augmentati­on d’à peine 5 %. Un ralentisse­ment qui pourrait montrer que la lutte contre la fraude à Pôle emploi a atteint un palier. « Les demandeurs d’emploi en ont marre d’être perçus comme des profiteurs de la vie, constate Cécile Hautefeuil­le. Pour eux, le discours ambiant est difficile à vivre. »

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Emmanuel Macron veut accentuer le contrôle des chômeurs.

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