Le cinéma, bien plus que des films
Toujours plébiscité par le public, le grand écran résiste aux nouveaux supports
Avec la télévision, les DVD et l’avènement de la vidéo à la demande, regarder un film ailleurs qu’au cinéma est vraiment devenu un jeu d’enfants. Pourtant, les salles obscures n’ont jamais paru aussi pleines, ou presque (voir encadré). Un paradoxe ? En apparence seulement. « Les deux pratiques sont complémentaires, car aller au cinéma, c’est bien plus que simplement regarder un film », explique Emmanuel Ethis, auteur de Sociologie du cinéma et de ses publics, dont la quatrième édition vient de paraître aux éditions Armand Colin. La sortie au cinéma commence donc avant et se termine après les génériques de début et de fin. « Elle débute par la préparation d’un moment de vie particulier et collectif, car on y va rarement seul. On choisit un film, on regarde les horaires, etc. » Et après la séance, « on échange ses impressions, on discute du film, si on l’a aimé ou non… Le cinéma, c’est aller voir quelque chose en commun. »
« Une sortie foraine »
Dès ses origines, à la fin du XIXe siècle, il a d’ailleurs été conçu comme tel. « Le cinématographe a été créé en tant qu’attraction populaire, rappelle Emmanuel Ethis. C’était une sortie foraine. Il ne s’est déplacé vers les espaces alors dévolus au théâtre que vers 1915. » Depuis, si tout a changé sur le plan technique, « la pratique de la sortie au cinéma elle-même a très peu évolué, poursuit le sociologue. C’est plutôt quelque chose que l’on cherche à perpétuer. On transmet le cinéma à ses enfants, en les y emmenant de façon initiatique. » Le cinéma continue ainsi à « s’inscrire dans la modernité ». Et à concerner tous les types de groupes sociaux. Comme le restaurant, qui est un peu au repas ce que le cinéma est au film, c’est une sortie « qui caractérise aussi bien les familles que les bandes d’amis ou les couples ». Elle reste d’ailleurs la sortie romantique par excellence, en particulier en début de relation. Car le cinéma, c’est aussi hésiter longuement avant de poser sa main sur celle de l’autre pour la première fois.