Le camarade Internet
Les électeurs russes sont appelés aux urnes, dimanche. Alors que la victoire de Vladimir Poutine ne fait guère de doutes, les jeunes s’intéressent de plus en plus à la politique grâce aux réseaux sociaux.
Qu’ont en commun l’opposant Alexeï Navalny, la libérale progressiste Ksenia Sobtchak ou encore le communiste Pavel Groudinine, si ce n’est d’être candidats (ou d’avoir voulu l’être pour le premier) à l’élection présidentielle russe, dont le premier tour a lieu dimanche ? Tous ont eu l’occasion de s’exprimer sur la chaîne YouTube de Youri Alexandrovich Dude, célèbre journaliste et blogueur vidéo russe. « Dans le Dude » adopte tous les codes des Youtubeurs occidentaux : montage rythmé, typographie branchée et ton léger pour aborder des sujets sérieux.
« Youri Alexandrovich Dude discute avec plein de personnalités intéressantes, des musiciens comme des politiques. De ce que je vois, ce mec aime vraiment la Russie », s’emballe Kirill, 26 ans, employé dans la communication à Moscou. Grâce à Youri Alexandrovich Dude, Liliya, 27 ans, suit l’actualité politique de son pays depuis Paris, où elle est étudiante : « C’est un très bon journaliste qui n’a pas peur de poser toutes les questions possibles, sur l’argent, les menaces… Et il insiste pour avoir des réponses honnêtes et concrètes. »
« Plus d’infos qu’avant »
Ce type de show est nouveau en Russie, et l’exercice pas anodin, car il permet de s’adresser aux jeunes. « La société russe est globalement bien moins politisée qu’en Occident, et le taux de participation des jeunes aux élections inférieur au reste de la population », souligne Tatiana Stanovaya, politologue au Centre des technologies politiques de Moscou. Mais, depuis quelque temps, les choses évoluent.
En mars 2017, Alexeï Navalny organisait les plus importantes manifestations contre le pouvoir depuis la réélection de Vladimir Poutine en 2012, majoritairement suivies par la jeunesse. « La révolte des enfants contre les pères », titrait d’ailleurs le quotidien Moskovski Komsomolets. Un mouvement difficile à enrayer alors que l’usage des réseaux sociaux explose en Russie.
« Ce sont les premières élections où les candidats les utilisent autant, confirme Liliya. Ils vont sur YouTube, ils s’engagent sur VKontakte [le Facebook russe], Instagram, Twitter, etc. Les jeunes entendent ainsi plus d’informa- tions sur la politique qu’avant, quand il fallait se contenter des médias officiels. » De quoi atténuer le « sentiment de ne pas pouvoir changer les choses », confie-t-elle.
« Même s’il n’y a aucun suspense sur l’identité du futur président, la jeunesse suit cette élection, abonde Mari, Moscovite de 25 ans qui travaille dans le marketing. Elle veut entendre les alternatives à Vladimir Poutine. » ■