20 Minutes

Des espèces tapent l’incruste

A l’image du frelon asiatique, les espèces invasives sont l’un des premiers facteurs de perte de biodiversi­té dans le monde. La France commence à prendre la menace au sérieux.

- Caroline Sénécal

Du parc des Buttes-Chaumont (19e) jusqu’au cimetière du Père- Lachaise (20e) en passant par le bois de Vincennes (12e), de curieux volatiles au plumage vert vif paradent. Il s’agit de perruches à collier, dont la population s’envole en Ile-de-France. La région concentre, à elle seule, plus de la moitié de l’espèce présente dans l’Hexagone. D’une cinquantai­ne dans les années 1970, autour des aéroports d’Orly et de Roissy, le nombre de volatiles a été multiplié par presque 100 en quarante ans. Au risque de bouleverse­r la biodiversi­té francilien­ne ?

Pour Maxime Zucca, naturalist­e à l’agence régionale de la biodiversi­té en Ile-de-France, « l’unique problème que posent les perruches à collier réside dans leurs dortoirs ». Ces derniers sont souvent construits près des habitation­s. Ce qui engendre pas mal de nuisances sonores, mais aussi des fientes, ce qui est à même d’insupporte­r les riverains.

Espèce invasive pour certains

Certains spécialist­es vont jusqu’à considérer les perruches à collier comme une espèce invasive. Non seulement « elles squattent le nid des autres oiseaux [sittelles ou étourneaux], indique Frédéric Malher, délégué régional de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), mais elles n’hésitent pas non plus à voler la nourriture de leurs voisins dans les mangeoires. Au sein des parcs parisiens, elles picorent fréquemmen­t les réservoirs destinés aux mésanges. » Sénateur écologiste des Hauts-deSeine, André Gattolin dénonce la proliférat­ion de l’espèce. Au parc de Sceaux, par exemple, 90 nids ont déjà été recensés. L’élu a soumis une question écrite en 2015 au ministère de l’Ecologie, dans laquelle il réclamait l’interdicti­on de vente de ces volatiles. Réponse du ministère l’année suivante : « Il est d’ores et déjà possible d’intervenir à l’encontre des population­s de perruches à collier là où elles sont identifiée­s. »

« Elles ne causent aucune menace pour la faune ou la flore, conteste Maxime Zucca. Aucune étude scientifiq­ue n’est parvenue à prouver qu’il y ait une quelconque concurrenc­e avec les autres oiseaux. Les perruches à collier ne menacent pas la biodiversi­té locale de Paris. Les gens ont souvent tendance à se méfier des espèces qui viennent d’ailleurs. » Pas Martine, en tout cas. Aux Buttes-Chaumont, avec sa petite fille de 6 ans solidement agrippée à son bras, elle s’émerveille à la vue des vifs points verts suspendus dans les airs. « C’est un bel oiseau qui apporte de l’exotisme en bas de chez nous, sourit Martine. Il se laisse approcher facilement, c’est amusant pour les enfants. »

Ecrevisse d’Amérique, moustique tigre, renouée du Japon… Derrière ces noms exotiques se cachent des espèces végétales et animales qui causent de gros dégâts. Professeur et coordonnat­eur de la Stratégie nationale relative à ces espèces envahissan­tes, Serge Muller rappelle que des mesures ont fini par être prises.

Qu’est-ce qu’une espèce invasive ?

L’Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature (UICN) donne une définition qui fait consensus. Il s’agit d’une espèce venue d’un autre pays ou d’un autre continent, introduite par l’homme volontaire­ment (parce qu’elle était belle, par exemple) ou involon- tairement (via les échanges commerciau­x internatio­naux), et qui s’adapte si bien à son nouveau milieu qu’elle y prolifère au point de menacer l’écosystème existant.

A quelles espèces pensez-vous ?

On peut citer le frelon asiatique, observé pour la première fois en France en 2004 dans le Lot-et-Garonne. En outre- mer, des chats retournés à l’état sauvage déciment des population­s d’oiseaux endémiques, comme le pétrel de Barau à La Réunion.

Quelles menaces les espèces invasives font-elles peser sur la biodiversi­té ?

L’UICN en parle comme de la deuxième cause de perte de biodiversi­té dans le monde, derrière la disparitio­n des habitats naturels. En France, l’impact est moindre et vient après la surexploit­ation des ressources ou les pollutions. Mais les espèces invasives peuvent avoir des conséquenc­es sanitaires. Par exemple, le contact avec la berce du Caucase provoque de graves irritation­s de la peau.

Quelles mesures ont été prises ?

On prend peu à peu conscience du problème. Depuis 2016, les Etats membres de l’UE ont interdicti­on d’importer, de cultiver, de reproduire, de vendre ou de remettre dans le milieu naturel 49 espèces.

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L’ile-de-France abriterait plus de la moitié de l’espèce présente en France.
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Un frelon asiatique.

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