Des espèces tapent l’incruste
A l’image du frelon asiatique, les espèces invasives sont l’un des premiers facteurs de perte de biodiversité dans le monde. La France commence à prendre la menace au sérieux.
Du parc des Buttes-Chaumont (19e) jusqu’au cimetière du Père- Lachaise (20e) en passant par le bois de Vincennes (12e), de curieux volatiles au plumage vert vif paradent. Il s’agit de perruches à collier, dont la population s’envole en Ile-de-France. La région concentre, à elle seule, plus de la moitié de l’espèce présente dans l’Hexagone. D’une cinquantaine dans les années 1970, autour des aéroports d’Orly et de Roissy, le nombre de volatiles a été multiplié par presque 100 en quarante ans. Au risque de bouleverser la biodiversité francilienne ?
Pour Maxime Zucca, naturaliste à l’agence régionale de la biodiversité en Ile-de-France, « l’unique problème que posent les perruches à collier réside dans leurs dortoirs ». Ces derniers sont souvent construits près des habitations. Ce qui engendre pas mal de nuisances sonores, mais aussi des fientes, ce qui est à même d’insupporter les riverains.
Espèce invasive pour certains
Certains spécialistes vont jusqu’à considérer les perruches à collier comme une espèce invasive. Non seulement « elles squattent le nid des autres oiseaux [sittelles ou étourneaux], indique Frédéric Malher, délégué régional de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), mais elles n’hésitent pas non plus à voler la nourriture de leurs voisins dans les mangeoires. Au sein des parcs parisiens, elles picorent fréquemment les réservoirs destinés aux mésanges. » Sénateur écologiste des Hauts-deSeine, André Gattolin dénonce la prolifération de l’espèce. Au parc de Sceaux, par exemple, 90 nids ont déjà été recensés. L’élu a soumis une question écrite en 2015 au ministère de l’Ecologie, dans laquelle il réclamait l’interdiction de vente de ces volatiles. Réponse du ministère l’année suivante : « Il est d’ores et déjà possible d’intervenir à l’encontre des populations de perruches à collier là où elles sont identifiées. »
« Elles ne causent aucune menace pour la faune ou la flore, conteste Maxime Zucca. Aucune étude scientifique n’est parvenue à prouver qu’il y ait une quelconque concurrence avec les autres oiseaux. Les perruches à collier ne menacent pas la biodiversité locale de Paris. Les gens ont souvent tendance à se méfier des espèces qui viennent d’ailleurs. » Pas Martine, en tout cas. Aux Buttes-Chaumont, avec sa petite fille de 6 ans solidement agrippée à son bras, elle s’émerveille à la vue des vifs points verts suspendus dans les airs. « C’est un bel oiseau qui apporte de l’exotisme en bas de chez nous, sourit Martine. Il se laisse approcher facilement, c’est amusant pour les enfants. »
Ecrevisse d’Amérique, moustique tigre, renouée du Japon… Derrière ces noms exotiques se cachent des espèces végétales et animales qui causent de gros dégâts. Professeur et coordonnateur de la Stratégie nationale relative à ces espèces envahissantes, Serge Muller rappelle que des mesures ont fini par être prises.
Qu’est-ce qu’une espèce invasive ?
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) donne une définition qui fait consensus. Il s’agit d’une espèce venue d’un autre pays ou d’un autre continent, introduite par l’homme volontairement (parce qu’elle était belle, par exemple) ou involon- tairement (via les échanges commerciaux internationaux), et qui s’adapte si bien à son nouveau milieu qu’elle y prolifère au point de menacer l’écosystème existant.
A quelles espèces pensez-vous ?
On peut citer le frelon asiatique, observé pour la première fois en France en 2004 dans le Lot-et-Garonne. En outre- mer, des chats retournés à l’état sauvage déciment des populations d’oiseaux endémiques, comme le pétrel de Barau à La Réunion.
Quelles menaces les espèces invasives font-elles peser sur la biodiversité ?
L’UICN en parle comme de la deuxième cause de perte de biodiversité dans le monde, derrière la disparition des habitats naturels. En France, l’impact est moindre et vient après la surexploitation des ressources ou les pollutions. Mais les espèces invasives peuvent avoir des conséquences sanitaires. Par exemple, le contact avec la berce du Caucase provoque de graves irritations de la peau.
Quelles mesures ont été prises ?
On prend peu à peu conscience du problème. Depuis 2016, les Etats membres de l’UE ont interdiction d’importer, de cultiver, de reproduire, de vendre ou de remettre dans le milieu naturel 49 espèces.