Les objets du désir
A l’heure de la saison des brocantes, certaines personnes ont du mal à se séparer des choses « qui peuvent encore servir ».
La période des vide-greniers va démarrer. L’occasion pour beaucoup de faire le tri dans leurs affaires. Le problème, c’est que si certains apprécient de se débarrasser du superflu, d’autres éprouvent des difficultés à donner ou à jeter leurs affaires inutiles. Dans Ça peut toujours servir. Pourquoi avons-nous du mal à jeter ? (Stock), qui vient de paraître, Guillemette Faure décortique cette dernière tendance.
Elle est parfois justifiée par des prétextes : « Nous gardons des doublons en prévision des disparitions mystérieuses », ironise l’auteure. Ou parce que l’on veut les vendre lors d’un vide-grenier ou sur un site. Ou encore par atavisme familial. « Les grandsparents, qui ont connu le rationnement en période de guerre, ont pu transmettre à leurs enfants la peur de manquer, qu’eux-mêmes ont fait passer à leurs propres enfants », souligne Mélanie Fouré, psychologue.
Du fantasme au conflit
Mais si l’on a du mal à se débarrasser des choses, c’est d’abord par sentimentalisme. « Les objets nous rattachent aux personnes que nous aimons », poursuit la psychologue. « On considère que l’on garde ses proches au chaud en conservant précieusement les trésors qu’ils nous offrent », abonde Guillemette Faure. Cependant, « le fait d’être trop attaché à ces signes du passé peut être aussi une manière de refuser le présent », avance Christine Ulivucci, psychanalyste transgénérationnelle et auteure de Psychogénéalogie des lieux de vie (Payot). La propension à archiver reflète aussi le regard fantasmé que nous portons sur nous-mêmes, observe Guillemette Faure : « Détourner, récupérer, est un signe de distinction sociale, une façon de ne pas succomber au jetable prêt à consommer. » Mais c’est aussi rêver la personne que nous rêvons d’être. « Pour me séparer de ces affaires, il faudrait que j’accepte de me voir comme je suis : quelqu’un qui prend du poids avec les années ou qui fait des mauvais achats », estime-t-elle.
Entasser les objets manque pourtant de sens. On peut perdre du temps à les rechercher, cela peut être une source de conflit dans un couple, et avoir un effet néfaste sur les enfants. « Le fait d’avoir trop de choses sous les yeux » les pousse « à un zapping permanent, qui les empêche d’explorer et d’exploiter ce qu’ils ont, constate Guillemette Faure. On croit posséder les choses, alors qu’elles nous possèdent. »