20 Minutes

Le deuil de la famille d’un soldat volé par la grève de Knysna

Steeve Cocol est décédé en Afghanista­n en 2010, au moment où les Bleus faisaient grève à Knysna

- Hélène Sergent

«Ma mère a reçu un appel vers minuit, on lui a dit que Steeve était touché et qu’il était décédé, raconte Soukeyna, 10 ans à l’époque. On m’a annoncé sa mort le lendemain et on m’a emmené chez ma tante. On regardait les infos et il n’y avait rien sur Steeve. Ils diffusaien­t l’édition spéciale sur les Bleus en Afrique du Sud, ils ne parlaient que de ça. » En même temps que les Bleus font grève à Knysna, la fillette doit faire face au décès de Steeve Cocol, le compagnon de sa mère, 44e soldat français tué en Afghanista­n. Brigadier-chef du 1er régiment de hussards parachutis­tes de Tarbes, le soldat a été victime d’un tir d’artillerie des talibans. Il n’y aura ni hommage national aux Invalides retransmis en direct, ni parade politique. Le foot a tout aspiré.

« La grève a tout balayé, y compris la mort de Steeve. » Luc, oncle de Steeve

Le décalage entre le feuilleton pathétique des Bleus et le sacrifice de Steeve Cocol paraît insupporta­ble. « Le tapage médiatique sur Knysna a complèteme­nt rayé l’action menée par Steeve sur le terrain, raconte Stéphane Rouffet, brigadier-chef au 35e régiment d’artillerie parachutis­te dans la même garnison que Steeve Cocol. J’étais en colère, tous les projecteur­s étaient tournés vers ces chamailler­ies. Ils ne se rendaient pas compte du mal qu’ils faisaient et de l’image de la France qu’ils portaient.»

Luc, l’un des oncles de Steeve, dénonce le «manque de considérat­ion» pour le soldat : «Ce n’est pas la place donnée au foot qui nous a gênés, mais c’est l’événement en lui-même et l’ampleur que ça a pris. La grève a tout balayé, y compris la mort de Steeve», regrette-t-il. La collision entre les deux événements n’a pas touché que la famille. « Certains camarades de Steeve ont quitté l’armée à leur retour en France, indique Stéphane Rouffet. Ils ont eu le sentiment que tout ce cinéma sur Knysna avait pris le pas sur les sacrifices des soldats. Passer sous silence un décès en opération amplifie la souffrance et augmente le besoin de reconnaiss­ance. » Décoré à titre posthume de la Légion d’honneur, Steeve n’a pas eu droit à l’ultime respect rendu aux militaires dans la cour des Invalides. Luc ne comprend toujours pas pourquoi : « Pendant que les médias ne parlaient que d’Anelka et de ses copains qui refusaient de jouer, Steeve, lui, portait haut le drapeau.» Le souvenir de Steeve subsiste toujours, huit ans après. En Guadeloupe, une rue et un bâtiment militaire portent son nom. Ce n’est pas les Invalides, mais c’est déjà ça. « On demande pas grandchose, clôt Luc. Juste de dire qu’il est pas mort pour rien. »

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Le corps de Steeve Cocol a été rapatrié de Kaboul le 22 juin 2010.

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