20 Minutes

Les contradict­ions d’Esteban Morillo

L’un des trois accusés du meurtre de Clément Méric a présenté un nouveau visage, mardi, au premier jour du procès

- Caroline Politi

Costume noir, cheveux bien peignés et barbe rase. Cinq ans après la mort du militant antifascis­te Clément Méric, Esteban Morillo, l’un des trois accusés, est presque méconnaiss­able. Difficile d’imaginer qu’il y a quelques années, le jeune homme arborait un look de skinhead et un tatouage «travail-famille-patrie» sur l’avantbras. «Je ne savais pas que ça avait un rapport avec Vichy, je trouvais que la devise était belle», a-t-il expliqué mardi, au premier jour de son procès pour « violences volontaire­s ayant entraîné la mort sans intention de la donner en réunion et avec arme », un crime passible de vingt ans de prison. De toute façon, le tatouage a été recouvert au printemps.

Le physique a changé, le discours aussi. Si Esteban Morillo est très disert lorsqu’il s’agit d’évoquer sa jeunesse heureuse en Picardie, sa formation en boulangeri­e-pâtisserie ou sa passion pour les animaux, il est beaucoup moins enclin à se replonger dans son engagement nationalis­te. Il affirme avoir été introduit dans le mouvement Troisième Voie, un groupuscul­e d’extrême droite à l’idéologie raciste, par deux amis, à son arrivée à Paris, à 18 ans. Jamais, assure-t-il, il n’a été adhérent. Seulement « sympathisa­nt ». Et encore, quelques mois, en 2011. « Je les ai aidés sur des rassemblem­ents pour faire du nombre. » Tout au long de l’audience, il s’emploie à tenir la politique à distance, décrit le mouvement – dissous après l’affaire – comme « un syndicat ni de droite ni de gauche, avec une conviction solidarist­e ». Qu’est-ce que cela signifie ? l’interroge la présidente. «Je ne sais même pas», admet l’accusé. Au moment de la mort de Clément Méric, affirme-t-il, il s’était détaché de Troisième Voie, n’était plus un skinhead – « C’était des gros bourrins, ce que je ne suis pas.» Pourtant, fait remarquer Cosima Ouhioun, l’une des avocates de la famille de la victime, il a été photograph­ié en mai 2013, soit un mois avant la mort de Clément Méric, dans une manifestat­ion, portant le drapeau de la jeunesse nationalis­te révolution­naire, le bras armé de Troisième Voie.

Le discours est lisse, bien rodé. Peutêtre un peu trop. A chaque fois qu’il est mis en difficulté, Esteban Morillo invoque des trous de mémoire. Comme lorsque la présidente l’interroge sur son ancienne page Facebook sur laquelle le seul livre mentionné était Mein Kampf. Pas de souvenirs. « On a du mal à croire que vous oubliez tant de choses alors que vous êtes jeune et que ce sont des choses extrêmemen­t sérieuses », déclare l’avocat général.

A chaque fois qu’il est mis en difficulté, il invoque des trous de mémoire.

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Esteban Morillo, mardi, au palais de justice de Paris.

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